Wednesday, January 20, 2021

A nna témoigne de son expérience (Longue vie à l’artiste)


Arriver un dimanche à midi dans la grande halle du carreau du temple c'est pouvoir prendre un café, une madeleine, une clémentine et pour cela ôter son masque et ainsi, même temporairement reprendre visage et cela peu importe pourquoi l'on est venu. Et c'est, le visage libre, heureux de l'être, même temporairement, sourire à d'autres puis à hauteur de chien, assis à même le parquet clair voir passer les jambes rehaussées d'or, vêtues de rouge, de violet irisé et collant, de plumes bleues pâles. C'est les voir passer, courir, s'étendre. Dans le froissement de l'étoffe dans le plaisir du mouvement. Car le café est un accueil mais pas un but. Il s'agit ici, dans cette halle faite loft, baignée de soleil — et quel éclairagiste de luxe — de faire spectacle d'une première rencontre, d'une répétition. D'être, « littéralement et dans tous les sens », au présent. Que chacun, chacune prenne toute la place, qu'il, elle, aille si c'est possible, au-delà même des murs. Et peut-être les passants qui s'agglutinent aux vitres du dehors le sentent ce dépassement de la halle. La sentent cette vibration produite par les corps en mouvement, si libres, si fluides, si nets. Par leurs migrations, leurs disparitions, leurs apparitions, leurs chants, leurs transformations permanentes. Comme un chien, à hauteur de chien je regarde. Et j'écoute. Et je désire chaque corps qui m'entre dans l'œil. Chaque mouvement. Celui de la jupe soulevée par la bouche d'air, celui de l'enfant poussant avec précaution un chariot où sont trois jeunes hommes, celui de Lucile, femme taureau cheval, femme qui perce le verre de la halle et tant d'autres et tant d'autres. Dès le début et tout le temps c'est plein. Tente de l’être, ne tends à rien, y parvient. Car Yves-Noël Genod le dit et le redit, sans que le mouvement ne s’interrompe, sans que la vie jamais ne se retire, dit et redit la nécessité de l'éternel écoulement, du bel aujourd'hui. De cet aujourd'hui dans lequel il forme et bien que cela soit interdit, un spectacle.

Et c'est bien, à hauteur de chien et dans la joie de celui-ci que se reçoit ce spectacle.

Un infini merci pour la beauté, pour l'instant, pour le rapt.

Longue vie à l’artiste que rien ne saurait arrêter !

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