Friday, May 21, 2021

F élins


J’avais rencontré David di Nota au cours de danse, Espace du Marais. J’étais tombé fou amoureux de son écriture (dès le moment où, dans le vestiaire, il m’avait dit qu’il avait publié quelques livres et que j'étais allé les feuilleter sans doute chez Colette, rue Rambuteau). Nous nous étions fréquentés de loin en loin, j’avais l’impression (que je lui avais dite) de marcher avec Kafka ou Flaubert, je regardais les livres qu'il avait dans sa poche, mais, à la fin, il avait eu envie de coucher avec moi, semble-t-il, mais je n’avais « pas compris » — comme quoi, ça m’arrive aussi — et, me justifiant, nous nous étions fâchés. C’est un personnage très étrange, brillantissime, d’une folie qui affleure, évidente, mais d’un désir insatiable. A l’époque, il était gardien au Louvre pour gagner sa vie ; un poste intéressant : il ne travaillait que les week-ends (payés le double), ce qui lui suffisait pour vivre, lire et écrire. Il était lié au Brésil aussi, beaucoup. Il y a surtout qu’il est un empilement de vies et de virtuosités (pour lui, tout est théâtre), de vitesses et que je n’en ai saisi que bien peu. Donc pourquoi ne pas « coucher » (ou je ne sais quoi) sur la moquette de son appartement vide — il venait de déménager — dans lequel il m’avait entraîné, « Nous serons tranquilles », quand je lui avais demandé de l'interviewer pour une carte blanche de quatre pages qu'on m'avait proposée dans la revue « Mouvement » — parce que j'étais à la mode encore, mais déjà un peu déclinante puisque ce n'était que la revue « Mouvement » (que personne ne lit). Je précise — mais cela va de soi — qu’il n’est pas du tout homosexuel, mais obsédé, oui, certainement. C'est sur le tard que j'ai compris que les écrivains étaient des obsédés. Par exemple, Yannick Haenel a dit à un ami à moi qu'il allait travailler au café car, s'il restait chez lui, il se mettait devant un film porno et sa journée était fichue. Ça m'a soufflé, naïf, idéaliste comme je suis — et d'ailleurs qu'a-t-il fait pendant le confinement ? la question se pose. Mais ses textes — je reviens à David — (j’ai moins aimé ceux liés à la guerre) sont un bonheur massif et léger d’amitié profonde. Dostoïevski dit de lui-même — dans une lettre sur laquelle je tombe par hasard — qu’il se sent « la vitalité d’un chat ». Sans doute est-ce son cas. Il y a plusieurs sortes de chats.

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