Monday, May 03, 2021

T orrent de boue


Mon cher petit ami, 


Des nouvelles du Front me sont parvenues, que je te transmets, d’abord de la radio, quelqu’un parlait de Guillaume Dustan et disait : « Y a une oralité chez lui, un mélange des genres. Il est capable finalement de passer d’une description très personnelle, sexuelle ou sentimentale à une réflexion politique. On peut y trouver des choses épouvantables comme des choses sublimes. Dustan, c’est de la matière en fusion. Cette forme explosive est liée pour lui profondément à l’autobiographie, c’est-à-dire à l’écriture de soi ». Ça m’a rappelé nos affaires. Sans doute effrayé de mettre un peu reconnu dans « matière en fusion », j’ai réfléchi à nos différences, Dustan et moi (oui, oui, il y en a). J’ai pensé, pour résumer, que j’étais plus eau (torrent) et lui plus feu (volcan). Mais voici qu’aujourd’hui, par un autre biais, je tombe sur l’étymologie du mot « torrent » (Dictionnaire merveilleusement historique d’Alain Rey) ; eh bien, ça vient de la même racine latine que « torréfier » et « torride », tu vois ça ? Torrens, c’est le participe présent de torrere « faire sécher, dessécher » plus souvent employé avec le sens de « faire sécher au feu, consumer » (au physique et au moral). Ça remonte à plus ancien encore, à la racine indo-européenne °ters qui signifie « sécher » et qui, exprimant la notion de soif (je saute une étape), a donné par exemple l’anglais thirst. Torrens a été d'abord adjectivé en latin au sens de « brûlant » et de « désséché » (d’où le latinisme torrent : « torride ») puis substantivé pour  désigner, au début donc de l'histoire du torrent, un cours d’eau faible, irrégulier, enclin à se dessécher (sens voisin du mot arabe « oued »). Se répandant hors du domaine méditerranéen, notamment en Gaulle, le mot latin a sans doute continué à désigner un cours d’eau irrégulier, mais, au moins en montagne, rapide, violent et jamais asséché. Merveille, non ? J'avoue ne pas m'être replongé dans le multiple et merveilleux Guillaume Dustan (savais-tu qu’il était à l’ENA — sous un autre nom — dans la promo de Jean Castex ?) car j’ai encore trop à faire des 2500 pages (sur papier bible) des cochonneries infiniment merveilleuses elles-aussi d’Arthur Dreyfus que je lis à petites lampées parce que je suis long et lent comme tu le sais et que je mourrai avant…

Des bises en attendant, 


Ton Yvno


Labels:

0 Comments:

Post a Comment

<< Home