L 'Invitation
Je suis peu invité — et heureusement parce qu’on n'a que sept soirées par semaine —, mais je suis parfois invité pour les spectacles qui ne remplissent pas — et on a raison de m’inviter parce que c’est ce que j’aime, pas aller voir ce que tout le monde veut voir, mais ce qui est à la marge, les merveilles de l’à-côté. Ainsi j’ai été invité — avec Bobo — dans le théâtre où Claude Régy avait joué, en 1974, La Chevauchée sur le lac de Constance — à un concert dont je n’ai rien voulu savoir, rien lire par avance, c’est vrai, c’est si rare d’être invité pour de la musique, je n’y connais rien, je voulais profiter de ma disponibilité, arriver sans a priori, découvrir un nouveau monde. Eh bien, je n’ai pas été déçu ! Le compositeur s’appelle Philip Venables et c’est comme si un rideau se déchirait sur un espace révélé si sensuel, si immense, une virtuosité comme venue du ciel, un espace inouï et, pourtant, que je « reconnaissais » : enfin la langue humaine, enfin celle que nous ne savons pas parler alors même que c’est la seule dont nous avons absolument besoin. Une religiosité nouvelle, la même, mais d’enfance (donc la même). Je ne peux pas dire à quel point ce concert m’a bouleversé. Je me tais. Le luxe, c’est cela, ce n’est pas aller dans des salles bondées, mais dans des salles vides et résonnantes — remplies d’invités. Il s’est trouvé par ailleurs que Philip Venables qui était assis devant moi (et qui parfois se levait pour rejoindre la scène) est l’ami d’un ami d’un ami dont j’entends parler sans en tenir compte depuis quelques années. Finalement le monde du cœur est aussi très petit, le monde des contemporains. Deux manifestations du Festival d'Automne de ce « portrait » de Philip Venables sont passées, mais il en reste une, la version concert de l’opéra 4:48, d’après l’œuvre de Sarah Kane, le 16 décembre — jour de mon anniversaire.
Labels: paris
0 Comments:
Post a Comment
<< Home