A u théâtre ce soir

J’ai vu une pièce, on m’a invité. On m’invite rarement, je dois dire, alors, quand on m’invite, quelle chance ! j’y vais ! Un beau théâtre, « La Coupole ». J'aimerais aussi avoir la chance d'y faire quelque chose, un jour. Quelque chose de fantôme, de désuet à souhait comme ce théâtre des années 20. Et ce que j’ai aimé de cette pièce, c'est surtout, beaucoup, trois vieux acteurs. Quelle sensualité, les vieux acteurs ! Je suis gérontophile, au théâtre. Mohamed Rouabhi, Olivier Perrier et Jean-Jacques Mielczarek, c'est eux qui m’ont donné le plus de plaisir. 

Comment appelle-t-on, au théâtre, quand l'acteur sort de son personnage pour s'adresser au public ? Ce n’est pas un aparté (là, l’acteur reste dans le personnage), non, c’est un phénomène plus rare (mais que je pratique beaucoup) dont m’avait parlé, je crois, Patrick Sourd, mais je le lui ai redemandé quand je l’ai revu aux Bouffes du Nord (pour Vincent Dedienne), mais il ne s’en souvenait pas… Ah, si ! je retrouve : la parabase. Une digression dans laquelle un auteur fait connaître ses opinions personnelles. La parabase, c'était dans la comédie grecque. Tout d’un coup, le jeu comique était suspendu, et quelqu’un, le choryphée, s’avançait pour un petit exposé de ses opinions et de ses intentions (ou peut-être de celles de l'auteur). Eh bien, c’est à ça que s’est livré, avec une virtuosité souveraine, Olivier Perrier, dans ce spectacle qui se joue au théâtre de la Cité Internationale. Des personnages, une histoire qui ronfle, comme on dit, édifiante et distrayante, et puis le vieil acteur qu’à ce moment je n’ai pas encore reconnu, que je ne distingue donc pas de son personnage, s’avance à l’avant-scène et décrit son parcours, sa vie. A ce moment-là, je me dis : « Ah ? ce personnage (cet oncle) est donc un acteur, je ne l’avais pas perçu… » Au bout d'un moment (ou tout de suite ?), peut-être aussi parce que j'entends rire à quelques mètres de moi Jean-Pierre Thibaudat, lui-aussi idole de mon enfance, je reconnais, par ce qu’il raconte, l’auteur de spectacles mythiques d'une lointaine enfance. Il travaillait avec des animaux, merveilleux acteurs, Olivier Perrier ! Le personnage de l'oncle (ou je ne sais quoi) est abandonné en rase campagne par l'acteur himself qui se met à raconter sa propre vie — et le jeune public, que comprend-il ? qu’il invente ? que c’est la vie du personnage ? Non, c’est vraiment sa vie, sa jeunesse, son invention. Comme un rêve de le rencontrer là... Un des plus beaux phénomènes du théâtre, la parabase