L a Maman et la putain
Il est intelligent, l’article de Mona Chollet (après celui de Michel Guerrin) dans « Le Monde » à propos des Amandiers. Mais peut-être qu’il n’est pas très difficile d’être intelligent à propos de ce film (et de ce documentaire sur Arte) parce que Valeria Bruni-Tedeschi dit tout, déjà, il n’y a qu’à l’écouter. Elle est à livre ouvert, elle révèle sa folie. Personnellement, j’aime les gens qui me la montrent, leur folie. Personnellement, je suis tombé amoureux d’elle. L’article de Mona Chollet se termine sur cette question (avouée naïve) à laquelle je peux répondre : « Pourquoi ne pourrait-on pas garder la liberté, l’exubérance, la fantaisie, tout en s’assurant que cette liberté est bien la liberté de tout le monde, tout en refusant d’infliger ou de tolérer des violences sexuelles, physiques, psychologiques ? » Bien sûr, on peut. Je connais, j’y ai travaillé, la merveilleuse école du TNB dont l’une des actrices qui en est issue faisait aussi partie de la distribution du film et de la joie du tournage : « C’était du pur présent », dit-elle de ce tournage. Mais, en général, François Sureau l’a montré, on ne peut pas avoir à la fois la liberté et la sécurité. C’est soit l’un, soit l’autre. Plus de liberté, c’est moins de sécurité, et plus de sécurité, c’est moins de liberté. C’est comme ça, c’est le réel. Et on peut toujours avoir l’intention de le changer, ce réel, on n’y arrivera pas. Alors, de rage ou de bonne foi, on l’empirera — l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Il y a aussi que Sofiane Bennacer, acteur extraordinaire que l’on compare à Marlon Brando ou à James Dean, a fait partie d’une promotion d’une école, « Premier Acte », imaginée pour favoriser l’inclusion des personnes issues de la diversité qui n’accédaient que très peu aux grandes écoles de théâtre. Je l’ai eu en stage dans ce cadre-là. Le groupe était formidable ; je me souviens leur avoir dit, dès que je les ai rencontrés : « Vous avez cet avantage énorme sur les acteurs bourgeois, c’est que, vous, on voit immédiatement que vous venez de la rue (ce n’est donc plus à « jouer ») ». Le groupe était formidable, que des gosses de la Méditerranée, et Sofiane était le meilleur. Oui, il s'agit de gens très jeunes. On ne parle plus, là, de Polanski ou de Weinstein. Qu’est-ce qu’on va faire de ces gens ? Les renvoyer dans leurs quartiers Nord ? Oui, le machisme existe chez les garçons qui ont une mère méditerranéenne (juive, arabe…) parce qu’une mère qui dit oui à tout à son bébé (je le racontais il y a deux ou trois ans dans un spectacle), eh bien, devenu adulte, le même aura quelque difficulté à comprendre que d’autres femmes que sa mère puissent lui dire non ! Qui jouera ces hommes — qui personnellement m’émeuvent et m'attirent énormément ? Qui les représentera ? Et sera-t-il encore possible même de les représenter ? Au moment de « MeToo », Michel Fau remarquait une chose hélas triste et juste : « Avant, les actrices jouaient comme des cocottes (qu’elles étaient), maintenant elles jouent comme des bourgeoises (qu’elles sont) ». Est-ce mieux ? je veux dire : du point de vue de l'art. Ça reste à démontrer (et c'est parfois démontré, il faut être honnête). Voilà, ce que je voulais dire, c’est simplement ça : on peut avoir la nostalgie de la liberté. On peut avoir cette nostalgie très fort. Le merveilleux Jean-Paul Muel — avec qui j'ai travaillé — raconte des histoires d'un autre temps (d'un Moyen-Âge...) et les termine toujours par un sonore : « Eh bien, c'était une époque où les gens savaient vivre ! ». Oui, même si on sait qu’elle ne reviendra jamais, la liberté. En tout cas pas de cette façon, peut-être d’une autre, on ne sait jamais. Bien sûr, sans doute d’une autre façon, je reste positif...
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