Wednesday, February 15, 2023

Je trouve normal que mes amis de gauche la lui reproche activement (ils ont raison), mais, sur moi, l’idéologie de Houellebecq, c’est comme l’eau sur les plumes d’un canard, ça ne (me) mouille pas. Et qu’on dise (parce que qu’on en vient souvent rapidement à le dire puisque ce n’est pas seulement un idéologue) que Houellebecq, c’est mal écrit (pour telle ou telle raison) ne me fait, non plus, ni chaud ni froid. Je ne sais pas si c’est mal écrit (ou bien) ; ce que je sais, c’est que c’est lisible. Que ça fait partie de ma vie. Que je me jette sur les livres, que je les lis en un après-midi le jour de leur parution, que j’aime les relire — et beaucoup les poèmes —, que je traque les interviews et les récits journalistiques pour avoir des nouvelles, que je vais voir les films où il joue, que je redoute sa disparition forcément prochaine et que c’est un cas unique disons dans ma libido. Houellebecq, c’est un déchet humain qui écrit et qui joue (en plus, hélas, de dire du mal des Musulmans, des femmes, des pédés et tutti quanti — mais je l’ai néanmoins entendu dire que la « cancel culture », ça, il était pour). Bref, un cas unique. Ou non ? (qu’on m’en trouve un autre). Je me reconnais dans le déchet, dans l’humain, dans l’écrit et dans le jeu. Par ailleurs, dans ma généreuse carrière, j’ai donné deux spectacles à partir de son premier (ou presque premier) texte Rester vivant, un stage à partir de Soumission (avec une forme à la clé qui s’est appelée : Fellation et poulet rôti), que le festival d’Automne m’avait passé commande d’un spectacle à partir des poèmes de Houellebecq auquel j’avais exigé de mêler aussi ceux de Baudelaire et bien m’en a pris : Nicolas Roux qui affirmait, au théâtre du Rond-Point qu’il avait demandé les droits ne l’avait pas fait et c’est comme ça que j’ai donné ce spectacle sur Baudelaire dans le noir total, en gardant le titre piqué à Houellebecq, Rester vivant (qui était bon, la preuve : c’était aussi, au même moment, celui d’une tournée, peut-être sa dernière, de Johnny Hallyday) et, en douce et dans le noir en glissant un petit poème ou deux de Houellebecq (en fait, le célébrissime Ma vie, ma vie, la très ancienne…), que bien m’en a pris aussi pour une autre raison (sinistre), que le spectacle est tombé presque en même temps que l’attentat de Charlie (fin décembre et le Rond-Point m’avait proposé de le prolonger en janvier — je ne sais pas — par intuition ? — j’ai décliné), que Philippe Lançon est venu le voir et a écrit un papier juste avant d’avoir la gueule détruite par une balle. Que je me souviens avec qui je vivais, avec qui j’étais neuf, dans quel appartement blanc quand j’ai lu mon premier Houellebecq, Les Particules élémentaires, que c’était un acte bourgeois, que j’allais bien dans ma vie, que je vivais avec une jeune fille — et ce que j’en ai pensé, j’étais sur le cul. J’ai dû pensé quelque chose comme : « Ah, la vache… » C’était, pour moi, dans ma vie, dans ma culture (mais pour tant d’autres aussi, comme on le sait) quelque chose de nouveau. Quelque chose de nouveau par rapport à ce que je connaissais déjà, disons par rapport à Duras… Ç’aurait pu tomber ailleurs (mais sur qui ?), pour moi c’est tombé sur Houellebecq. Dans la catégorie écrivain français. J’ai essayé Christine Angot (Duras en moins bien ?), j’ai essayé Virginie Despentes (Duras en beaucoup moins bien ?), j’aime beaucoup Annie Ernaux... en fait, je pense — et ça continue — que Michel Houellebecq me fait rire, c’en est même incroyable comme on rigole. Ce déchet humain ne se limite à rien, semble-t-il (il vient de tourner dans un film porno !) Je suis désolé : ça me fait plus rire que tout, si je dois résumer (pour résumer, je dirais comme je l'ai entendu dire d'un autre dans les « Grosses Têtes » : « En tout cas, moi, je veux pas dire du mal de Houellebecq, non, le pauvre, il n’en a pas besoin ») 

0 Comments:

Post a Comment

<< Home