Un texte écrit dans la foulée (et évidemment sans fin) qui ne s’adresse pas à des programmateurs comme tu vois (sauf à Patrik de Rham à qui je n’ai rien à cacher), mais plus à des interprètes…
J’aime l’idée de travailler avec Yan, cet engagement, parce que ça ma toujours paru formidable de travailler à deux. Souvent j’ai partagé ma vie avec des plasticiens pour en faire un spectacle. C’était apprendre ensemble. Ici aussi, nous allons apprendre ensemble. Nous ne savons pas où nous allons, mais dès l’enclenchement (qui a déjà eu lieu) nous savons que nous allons, nous savons que nous allons recueillir l’incohérence. Nous ne savons pas, nous n’avons aucune certitude, pas de dogme, rien de binaire, nous ne savons pas ce qui va se passer. Nous avons une intuition (et nous savons qu’elle est juste), celle de nous compléter. Nous nous intéressons peut-être autant par nos différences que par nos ressemblances. Nous ne voulons pas nous voler non plus, il y a peu d’enjeux, aucun de nous ne veut détruire… Nous sommes du même monde et ce monde n’est pas seulement humain. Loin de là. Donc nous ne savons pas. Les déserts, les inondations, les brûlures, les fontes, les morts…
Le dernier homme, la dernière femme. La dernière femme est triple
J’ai envie que le projet soit le plus théorique possible parce que, moi, je ne fais jamais rien de théorique, seulement du sensible, alors qu’on y aille, qu’on s’y mesure, y a pas de raison, la théorie, c’est beau…
On n’écrira pas de grand livre, non, on fera un spectacle flou comme un coquelicot
Ne sentez-vous pas le temps qui passe, qui respire ?
Qui est encore parmi nous ? Et les autres ? Apportez des paillettes que tout se voie…
Deux ans. C’est toutes les pièces. On devra en jouer en quantité…
Le mélange du clinquant et du faux, le centre à jamais dérobé, l’or peut-être…
Le fleuve, le fleuve et tous ses fleuves, toutes ses eaux, toutes ses eaux emportées par toutes les autres
« Mixed-times, dit-elle, are overflowing »
Il faudrait que le spectacle soit très, très religieux, mais que ça ne se voit en rien (on ne sait plus ce que c’est que le religieux)
Ne vous doutez de rien
Etre frappé de mysticisme (rien ne se voit)
Les comédiens pleurent beaucoup, souvent
Une forme risquée de cheminements : chaque production se paye d’une transformation douloureuse puisque jamais l’énoncé ne ressemble à ce qu’il réfère
La scène ne doit par être occupée par la communication, c’est tout le contraire qui est visé : d’immenses et périlleuses transformations chez le spectateur (rien ne se voit). Théâtre intérieur, parc intérieur, sans recul
Source unknown
A suivre (22 mai 2023),
YN
Yves-Noël Genod fêtera cette années (en juin) les vingts ans de sa compagnie. Plus de cent-cinquante spectacles. Performances innombrables. Yves-Noël Genod a beaucoup jouer en Suisse romande, principalement accueilli par l’Arsenic à Lausanne. On peut citer les spectacles qui y ont été présentés ou créés : La Mort d’Ivan Ilitch ; La Recherche ; Phèdre ; Rester vivant ; C’est le silence qui répond…
19 possibles définitions du théâtre d’YNG selon Isabelle Barbéris :
La tragédie comme théâtre de l’incertitude.
L’exposition non des choses mais des écosystèmes — ne plus isoler les choses. Analyser les polarités (cf. Goethe dans son Traité de sciences naturelles).
Un théâtre où le théâtre (par-delà le costume) est le personnage principal.
Un théâtre de l’économie de l’attention. Qui déroute toute tentative de focalisation et sollicite un niveau « pré-attentionnel » chez le spectateur.
Un théâtre où le contact se réduirait à des « micro-contacts » (également au sens sonore).
Un théâtre qui confronte, met côte à côte la mélodie et le bruit et où les airs (aria) se substituent au dialogue.
Un théâtre de l’incertain.
Un théâtre sans entracte... où il n’y a plus que « de l’entracte ».
Un théâtre sans dramaturgie, où la playlist, les invitations, les guests, le train-train des entrées et sorties ont remplacé toute velléité dramaturgique.
Un théâtre de Merlin et non d’Orphée.
Un théâtre « anamorphosé » (Mylène Farmer).
Un théâtre sans bruit ni fureur.
Un théâtre du « virtuel-actuel » (la notion de Bergson : le virtuel-actuel serait la structure de la mémoire. Un spectacle d’YNG révèle l’œuvre dans sa virtualité, sans la réaliser).
Un théâtre donc qui parlerait de l’irréalisé.
Etre dans le costume sans se l’approprier : un théâtre où le comédien mesure la distance qui le sépare du costume, de l’intérieur. Fondre (comme Richard II) et se réduire dans le costume « cristallisé ».
Un théâtre où la forme préexiste au contenu — c’est l’idée du kitsch, qui empêche toute dialectique.
Un théâtre qui raconte de manière désordonnée, et plaque non pas de l’ordre mais du « diffus » sur le chaos.
Un théâtre non pas qui propose, mais qui dispose.
Un théâtre entre l’immobilité et le chaos.
Un théâtre de dieux mortels (dans les deux sens du terme).
Labels: correspondance, neuchâtel
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