Je suis malheureuse. Je suis heureuse. C’est pareil
Je lis dans le livre de François Jonquet sur Gilbert & George leur réponse au questionnaire dit, en France, « de Proust » (questionnaire qui vient d’Angleterre, en vérité) : « Votre idée du bonheur ? — Le malheur. » « Votre idée du malheur ? — Le malheur. » C’est vrai. Je découvre — on appelle ça la dépression — que le malheur et le bonheur, c’est pareil. C’est affreux, mais, au fond, c’est pareil. Peut-être que, d’un ultime coup de rein, je rétablirai encore une fois mon équilibre avant de mourir, peut-être pas. Ma mère a vécu ses dernières années dans le bonheur. Elle. J’en ai été témoin. Peut-être, pour moi, que le malheur ne sera plus jamais aux couleurs du bonheur, jamais plus la Corse, l’île de beauté… mais c’est égal, il y en aura d’autres après moi — puisque je crois au principe des vases communicants, à la théorie de la « réversibilité » chère à Baudelaire. Cette théorie considère, si je m'en souviens bien, qu'il y a dans le monde autant de mal que de bien et alors, si le ou la sainte se fait martyrs, c’est pour que d’autres soient comblés de grâce et de douceurs. C’est le principe de substitution. Se désigner à la souffrance. Souffrir volontairement à la place d’autrui. A une amie qui s’inquiétait hier soir au tél de mon état dont elle lisait les descriptions sur IG, je répondis (pour la rassurer) : « C’est aussi que tout le monde est tellement préoccupé à donner une expression idéale à sa vie et à son bonheur… J’ai sans doute envie du contraire, de me plaindre ; c'est soit l’un, soit l’autre… » Hélas, ce jeu est vain, prendre le contre-pied n’est au fond pas possible car il n’y a jamais de contraires, au fond, jamais : tout est rassemblé, tous les fils, dans l’immense écheveau de Dieu. (Ce n’est pas la pièce de Boris Charmatz, vue hier soir, qui a pu m’éloigner de ce genre d’élucubration.) A cette amie, une autre fois, j’avais demandé si elle pensait qu’un jour je deviendrais clocharde, j’en étais — et suis toujours — terriblement attirée. Je ne pense pas au suicide, mais la rue m’attire. Elle avait réfléchi, cette amie, assez longuement et m’avait répondu : « Tant que tu vas chez la coiffeuse, non ! » Mais il y a maintenant bien longtemps — chaque jour un peu plus — que je ne suis pas rendue chez la coiffeuse...
Hier soir l'amie m'a encore dit : « En tout cas, tu as bien chopée qqch du féminin : les femmes sont toujours malheureuses ». Alors nous avons ri et nous avons eu l'envie de nous voir et de nous revoir
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