Thursday, May 22, 2025

F antaisie queer

 
Dans l’après-midi, j’étais passée près de l’école des Beaux-Arts et j’avais regardé si, par hasard, il n’y avait pas qqch d’Arnaud Labelle-Rojoux dans sa galerie et justement il y en avait plein de tableaux. Ce n’était même pas la peine d’entrer, c’était seulement de gros slogans humoristiques qu’on pouvait lire à travers la vitrine, du genre (mon préféré) : « Les pique-niques à poil étaient très en vogue à la Renaissance »
Le soir, je voyais un spectacle. J’ai honte, j’en vois si peu. On ne m’invite pas, faut dire, et je n’ai plus le budget.
Mais, là, je commençais à écrire dans mon carnet: « J’habite ma femme. »
Et j’écrivais sur Pierre Maillet.
PM est exactement le même sur scène, à la ville ou à la campagne. Exactement. C’est, en fait, une qualité très rare chez un comédien. Normalement un comédien se déploie, pas lui. Il a trouvé son art — il l’a trouvé à l’état natif — et son art est exactement le même dans sa vie que, comme je le disais, dans son art. De toute éternité. Et le fait qu’il fasse tout un monologue à poil n’y change rien. Il est le même qu’habillé, c’est un honnête naturiste. « Ce qui nous ouvre à la dimension mystique du séjour humain. » Je ne vais plus au théâtre, plus personne ne m’invite, je ne connais plus personne, je suis sur la paille. Il n’est d’ailleurs ni masculin ni féminin, il est naturel. T.P.B.G. Trans, Pédés, Bi, Gouines. Masculin : masque ; féminin : fait mine. « De la part des tenants du vieux monde. » Plus d’ironie, tu meurs. Il est le contraire de tout ce que je déteste au théâtre. Ce que je déteste, c’est quand on nous fait la leçon. Lui en est incapable. Lui, c’est un théâtre de l’absurde à lui tout seul — et encore, « théâtre de l’absurde » est une dénomination bien temporellement limitée. Lui n’est pas limité, il est l’absurde de la vie et la vie de l’absurde. Kif-kif bourricot, vice-versa, lycée d'Versailles. Avec lui, le seul message du théâtre passe sans friture sur la ligne : nous sommes là, nous sommes de passage, n’y comprenons goutte. « Un élan vers le ciel ou le souterrain. » « La nature migratoire, erratique de l’humain. » Bien entendu, PM fait partie de ces (rares) acteurs dont on peut dire : « Il pourrait nous lire le bottin… », mais je me demandais qaund même qui avait pu écrire ce texte merveilleux tel que le donnait PM, un texte qui me semblait l’enfant demeuré de Raymond Roussel et de Paul B. Preciado, pour tout dire de la folie douce (mais c’est PM qui nous fait comprendre immédiatement qu’on est dans la folie douce et le texte semble une robe cousue sur lui). J'avais oublié le programme. C’était Patricia Allio. Chapeau ! Il y avait une rencontre après. Je comprenais que Patricia était peut-être militante (c’est son droit), mais j’étais étonnée qu’on parle du spectacle — certes qualifié de « fantaisie » — comme d’un spectacle  « militant ». Ça m’avait complètement passé à côté. Mais peut-être suis-je juge et partie dans cette histoire ; je baigne dans ces problématiques depuis que je suis née ; je suis née coiffée. D’avoir vu ce spectacle est l’une des merveilles de ma vie. Et je m’aperçois avec étonnement qu’il ne se joue que jusqu’à vendredi (d’où ce papier rapidement écrit avec les pieds).
 
(Théâtre Silvia Monfort)

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