Monday, May 26, 2025

J ules

 
J’allais me plonger dans l’eau, j’allais vivre une embuscade, j’allais délaisser les livres, j’allais retrouver Legrand
Legrand n’était plus que dispersé dans l’air de Paris, on ne se voyait plus, mais je ne pleurais pas, il m’avait tant donné du temps de son vivant ; je reconnaissais ses traces, partout (il faudrait que je lise ce livre (il y en a tant qu’on n’a pas lus), Nadja), je l’avais « perdu de vue », quelle belle expression ! Et c’était comme si je lui disais si j’avais pu lui dire : « Quand je ne vous vois pas je me souviens de vous ». C’était le dernier vers d’un très beau poème dédié à un ami, Jules Tellier… Je vous ai dit de qui ? Oh ! de Verlaine…



De n’être plus rivée à Legrand laisse aussi beaucoup d’espace. Approchez, nouvelles idoles, votre temps est venu
Venez pour moi remplacer la nature



Jules Tellier, jeune poète (ont-ils couché ?) est mort à 26 ans, de la fièvre typhoïde quelques mois après que Verlaine lui ait dédié son poème



Quand je vous vois de face et penché sur un livre
Vous m’avez l’air d’un loup qui serait un chrétien,
Pardon, rectifiez : qui serait un païen,
En tous cas d’un loup peu garou qui saurait vivre.

Je vous vois de profil : un faune m’apparaît,
Mais un faune sélect au complet sans reproche
Avec, pour plus de chic, une main dans la poche
Et promenant à pas distraits son vœu secret.

Vu de dos, vous semblez un sage qui médite,
À jamais affranchi des fureurs d’Aphrodite
Et du soin de penser uniquement jaloux.

Vu de loin, on vous veut de près à justes titres.
Et, car la vie, hélas ! a de sombres chapitres.
Quand je ne vous vois pas je me souviens de vous.



A sa mort, Verlaine commence un nouveau poème

Ainsi je riais, fou, car la vie est folie !
Mais je ne savais pas non plus que tu mourrais.

Où il réactive, en finale, hélas, son dernier vers :

Quand je ne te vois plus je me souviens de toi.


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