Écrire à deux (être idiots à deux), chronique d'avril
Chronique d'avril 2006 pour le magazine "Spirit" à Bordeaux.
Bordeaux de temps en temps
« L’être aimé dans ce monde dissous est devenu la seule puissance qui ait gardé la vertu de rendre à la chaleur de la vie. Si ce monde n’était pas sans cesse parcouru par les mouvements convulsifs des êtres qui se cherchent l’un l’autre, s’il n’était pas transfiguré par le visage « dont l’absence est douloureuse », il aurait l’apparence d’une dérision offerte à ceux qu’il fait naître : l’existence humaine y serait présente à l’état de souvenir ou de film des pays « sauvages ». Il est nécessaire d’excepter la fiction avec un sentiment irrité. Ce qu’un être possède au fond de lui-même de perdu, de tragique, la « merveille aveuglante » ne peut plus être rencontrée que sur un lit. Il est vrai que la poussière satisfaite et les soucis dissociés du monde présent envahissent aussi les chambres : les chambres verrouillées n’en demeurent pas moins, dans le vide mental presque illimité, autant d’îlots où les figures de la vie se recomposent. » Georges Bataille.
Hélèna, déjà à l’Hôtel de la Plage, m’envoient des textos :
« ici, c’est le théâtre du boulevard de la plage. certains acteurs jouent mal, mais j’applaudis à tout. la blonde : parfaite. h »
« et tout est recouvert de poussière jaune, toi tu dirais dorée, même la mer. ne décroche quand je t’envoie des vagues dans 2 minutes, d’accord ? h »
Le 12 avril 2007. Départ Bordeaux.
Sur les affiches, les robes, les pantalons serrés. Le plan du quartier avec l’eau bleue autour de la Seine. L’eau – bleue. Les Joueurs de cartes (de Cézanne) dans le métro.
Foule de bruits d’oiseaux, de bruits d’enfants, de bruits de machines, merveilleuse nature très full. « C’est un milieu assez lâche où les gens refusent les conflits. »
Les enfilades de l’été , dans le TGV, glissant…
Réveillé pour le contrôle du billet.
L’armée des clones (les peupliers) par la fenêtre grillagée. Une banquette de rive de soleil. Au plaisir de se recroqueviller. L’enfance, l’été, plus de problème, voyage. Le colza infini : une intensité de plage – fluo. Nos amies les bêtes. L’humanité pousse comme la nature.
En fait, le train allait jusqu’à Arcachon. Un homme avait dans le dos de son pull, brodé : « L’Île aux Oiseaux ». Un autre descendait à Bordeaux avec dans la main un cours de droit administratif. La ville, c’est la nature, c’est pareil. Le petit chien baillait comme pour montrer que, lui aussi, possédait, à l’intérieur, les couleurs vieux rose et blanc fané de la blouse de sa patronne. La transmutation de la transparence. Chez Adonis, Alexia voulait un « Muscle de femme », « Le nez du plaisir » ou chais pas quoi… Le serveur nous amène un « Pubis de femme », mais ce n’est pas ça que nous avions demandé… « Le biceps de la femme. » En face du Bar Castan, sur les bords de la Garonne, le nez en l’air, j’ai…, je me suis enfoncé dans le béton frais et j’y ai laissé les empreintes de mes converses – comme à Hollywood, ai-je pensé… Un peu plus loin, la piscine magique du Miroir d’Eau, les gens sont pieds nus – mais n’enfonçaient pas – marée basse et palourdes. Petits jets d’eau qui crachent, juste pour le bruit. Clapotements vivants. Enfants. Miroir. Désert apprivoisé de la Garonne. La piscine, puis l’ondulation du sable, puis la mer, c’est comme ça que me décrit Alexia la maison de Starck (son fils est copain avec le fils aux boucles blondes de Philippe Starck). C’est un peu aussi le paysage inédit, moderne et romain que forme le Miroir d’Eau avec la Garonne, en face de la Bourse.
Bruits divers, pétrissage par le soleil.
Des images de plages, hors-bord, ou de ski : une famille en rollers.
« Bordeaux veut devenir une capitale du tourisme. Car on fait beaucoup de tourisme urbain. Moi-même… – C’est un petit Paris. – C’est un peu Montpellier. – Je dirais pas ça. – Mais si : Montpellier, Narbonne… »
« Thés de grandes origines. »
Au croisement romain de la rue Sainte-Catherine et de la rue Saint-Rémi.
Dans quelques temps, la France va avoir le charme d’une dictature, Espagne, Portugal, Italie, Russie, Yougoslavie, Allemagne de l’Est… On le sent déjà, ce printemps, à Bordeaux. Repli sur les valeurs, sur l’essentiel, abandon de la politique, de l’idée de conquête, de progrès, repli, réemploi de l’idée du charme. Trabant. « Je dis pas que c’est elle qui sait pas faire, je dis que ça doit être avant la chute, déjà. » Le charme des pays décalés, les pays heureux, les dictatures, disparition des polémiques, le mensonge égale la vérité : « La Pravda ». Les chefs sont les chefs.
Je passe devant l’Onyx, café-théâtre. Puis place du Parlement (Versailles). Histoire d’y voir. Suivant l’endroit de la place où l’on se tient, on peut entendre des conversations à une terrasse très loin. Discrimination d’écoute.
Point X, rue Saint-Rémi, on me demande où j’ai trouvé mon jean. C’est Dior. La jeune femme me dit qu’ils en font chez Zara (Bershka, pour les ados) en blanc, mais qu’ils n’avaient pas sa taille.
Non écrire. Non spectacle.
Au Café Club (depuis 1969), une lolita nue sous ses vêtements (qui la déshabillent) entre et demande : « Est-ce que c’est possible de vous prendre quelque chose que je payerai demain ou tout à l’heure ? – Qu’est-ce que vous voulez ? – Vous avez un brownie ? – Non. – Ah ? Vous ne les faites plus ou vous n’en avez plus ? – On n’en a plus. – Et demain, vous en aurez ? – Je ne sais pas. – Bon, au-revoir. » Le bon café revient moins cher que le mauvais. La rumination du cerveau se calme ; on est plus proche, on se rapproche du royaume de Dieu, de l’amour.
Dans le taxi en direction du Théâtre de la Chaussure, fenêtre ouverte, on pense encore : tout a été dit, mais rien n’a été dit. Érica : « Je travaille en compagnie d’EDF, demain, chez moi. »
« …Une sorte de paranoïa dans la jungle…» (Radio, route de la savane.)
Arrivée : « C’est trop beau ! » La même chose sans la pierre, c’est pas mal aussi… Comment peut-on se passer de ça ?
« – Bon, on va se promener ? – Oui, parce que sinon je vais m’endormir. »
Avec tous ces petits bruits qu’on entend, bruits de volière, dans la chambre blanche et rose du même rose et blanc que la gueule du chiot.
Vieux rose – ou « rose cochon », dit aussi Hélèna, comme ma chemise, aussi, un poil plus mauve…
Yves-Noël Genod, le moraliste
Le nom des maisons : « Douce bêtise », « Imprévu », « C’est le Rêve »… Là, un petit idéal gréco-romain… Et aussi : « ? », le nom d’une de ces maisons du village de L’Herbe (qui gagne le concours). Une exposition de chez Cortex Athletico… La maison de Picabia.
Le pollen soufre déposé par la marée sur la plage.
Hélèna me montre le grand immeuble d’Arcachon qui était en feu l’autre soir. Ce soir : blanc comme une craie.
Un liseré jaune soufre absolument assorti au camaïeu du village, des coques désuètes des bateaux, à la blondeur pâle de la plage, à la folie diaphane du calme des nuées, du bassin plat, de l’île de Venise. Pollen, pigment. Wolfgang Laib faisait avec un pollen plus doré, je pense. « Mais, après, tout dépend de la lumière. », dit Hélèna.
Les pages blanches promises, je vais les donner au lecteur aujourd’hui. J’ai peu de temps pour écrire. Nous sommes à l’Hôtel de la Plage, elle et moi. Pâques est passé si vite, Noël, la Trinité. On part à Bologne directement du Bassin d’Arcachon. Café noisette, c’est un bon titre aussi. – Bof. – Si (pour Casse-Noisette). – Ça me fait penser à tout, le café noisette. Mon ex-mari qui est mort. Ça me fait penser aux œufs durs. Je ne voudrais pas être… Mais quand même…
On parlait de Georges Bataille avec la patronne (elle n’a pas connu).
– J’ai relu Lady Chaterley… – Vous voulez du lait ou pas de lait ? – Non, pas pour moi. – J’ai relu Lady Chaterley, c’est vachement moins bien que quand je l’ai lu la première fois. Je reconnaissais des passages, enfin, des idées, alors que, là, Le bleu du ciel, c’est toujours aussi bien. Là, je reconnais des phrases. – Voici, café, thé.
Alors, là où je voulais en venir… Il y a tellement d’événements.
– Le pollen, ah, oui. – Ouais, c’est dégueulasse. – Ça s’immisce partout. C’est que – et je voudrais pas foutre la merde – le jeune James Dean au petit cul que je prenais pour le père de Lucas (disparu, lui – en colonie ?) et que je voulais sauter entre deux… dans un intervalle de ma vie avec Hélèna (je redis pour les lecteurs à qui ça aurait échappé) a m…
– Allez, te crève pas, garde tes forces pour plus tard. C’est pas votre truc, les garçons, de frotter par terre. C’est un travail pour les femmes. – C’est des muscles qu’on n’a pas… – Il me tue, il me tue, ce sol, oh, là, là… – C’est trop clair ? – Oh, là, là…
a maintenant un copain (signalé par Hélèna à mon arrivée) encore plus beau – mais plus beau ! – que lui, un enfant je-m’en-foutiste, mais de bonne volonté, simplement couillu, barbu et parfaitement au point. – J’ai entendu dire sur Catherine Deneuve qu’elle mouillait tout le temps. Alors, quand elle s’asseyait sur une chaise, il fallait essuyer. Je ne sais pas qui a fait courir ce bruit-là. (Parce qu’Hélèna me demande de lire ce que je vais dire au Musée Zadkine pour savoir si elle peut inviter ses amis.) – Tu sais, plutôt que James Dean, je dirais Matt Dillon. – Et l’autre ? – Le frère de River Phœnix, tu sais, celui qui a une cicatrice à la lèvre. Sinon, tu marques Brad Pitt, c’est pareil.
Des huîtres grosses comme du fois gras
C’est beau, le fric, quand même… Vivre comme des princes. Savoir manipuler le monde…
Hélèna se fout de moi quand elle me voit me poser sur le carnet…
– Ma sœur habite pas loin d’ici, elle me dit : « Ah, tu me diras si tu trouves des endroits chouettes pour se balader. » J’arrête si t’écris des trucs sur ma sœur !
pour noter la profondeur de mes réflexions.
Sur le banc que dans mon souvenir je croyais avoir décrit blanc… – Tu veux pas écrire : « la mer argent » ? – ce serait l’occasion ou jamais.
Mais.
On imagine la partouze.
– Il pleut un peu, non ? – Oui, il y a des fines gouttelettes de… de sperme. – De sperme de qui ? – De sperme de Dieu. – Oui, c’est bien ce que je pensais.
Le bateau-scorpion
C’est chose faite, retirons Josée Lapeyrère de l’histoire. (À propos, j’imaginais que c’était dans les années 70, les cocktails Gallimard, mais Bataille est mort en 62, l’année de ma naissance.) Elle ne veut pas d’histoires avec Sandra. Je demande à Hélèna comment Sandra pourrait faire des histoires. – Peut-être. Tu sais, Sandra, elle est un peu sensible au niveau de la famille. Sa mère est morte et elle ne voit plus son père ni sa sœur et on lui parle tout le temps de son grand-père, Georges Bataille, qu’elle n’a jamais connu. Bien sûr, tout ça est idiot et la mer avec son bruit animal est toujours dans des effets de peau de serpent métallique. Dans des gris, nuance plus ou moins morte, plus ou moins intelligente, plus ou moins métaphysique. Les amants vivent dans le monde et la parade. Le bateau-scorpion, tout plat, presque sous l’eau, avec une petite grue rouge. Les piquets comme à Venise. Clarté plus ou moins guerrière, plus ou moins paisible de ce bassin, aujourd’hui.
Pour le beau mec aux belles dents…
– Toi aussi, tu as de belles dents. – No kidding ! Dans un autre genre…
…est de Rennes. Pour lui, c’est grand beau temps…
Quand elle vole, l’aigrette tend les pointes comme une danseuse. Regarde la gouleur, là, la gouleur gouloue. – Tu enfanteras dans la gouleur… – Ouais.
On regarde un dessin de William Blake, du Paradis perdu. La punition du serpent : « Tu ramperas dans la poussière toute ta vie. » Ah, bon ? Alors il était pas un serpent, avant ? L’homme : « Tu travailleras à la sueur de ton front. » Ce que Guyotat comprend : « à la sueur de ton sexe ». La femme : « Tu enfanteras dans la douleur. » Alexia en est au quatrième mois. Ça se voit.
Mer cure
« La mer titane » ? – « La mer titane », c’est pas mal. Tout le paysage est un paysage de ciel. Tout le paysage est projeté dans le ciel. Le bassin, simple miroir. Hélèna me montre une phrase de son livre : « Nous étions allés nous installer dans un village de pêcheurs. » « Julien, c’est très chaud ! Attends un peu. » « Un petit coup de pif. Un rouge et deux blancs. » Les animaux, le chien noir, – Le chat noir là-haut, c’est pareil., sont couverts de pollen. « Vas te balader, Kiki, reste pas là. » On dirait qu’ils sont sales, qu’ils se sont roulés dans la poussière. Non, finalement, il a dû se laver, le chat, parce qu’il a plus de pollen. – Qu’est-ce qu’il fait pour se laver ? – Bin, il s’est léché. – Un petit café. – Vous vous êtes baignée quand ? – Mais au bassin ou à l’océan ? – T’as vu, y a un enfant qui s’est amusé à enlever un s à poisson. Poison du jour. – J’ai un ami qui est psychanalyste… – C’est une folle tordue ? – C’est vrai.
À L’Herbe, la présence de l’été. Mais l’été, pour moi, c’est… C’est le mélange, la confusion et le plaisir, la sensualité, la chaleur de ça. Le sexe à l’intérieur. Le pollen jaunit les bords de la mer qui du coup, plus loin, paraît violette. Qu’est-ce qui reflète ? Miroir ou ciel ? La mer, côté bassin, la plus familière des amies, une chatte. Un chien. La richesse, c’est sur plusieurs génération que c’est beau. « Pas mal. Un peu froide, quand même. Un peu froide et bourrée de pollen. » « Allez faire une balade à l’océan aussi. – Oh, non, pas l’océan. – Allez voir l’océan, enfin, c’est fantastique ! » Hortense et Lou. « Les amants parlent et leur paroles bouleversées rabaissent et enflent en même temps le sentiment qui les meut. Car ils transfèrent dans la durée ce dont la vérité se tient le temps d’un éclair. » Georges Bataille.
Les amants parlent
– « L’eau chaude coule du robinet d’eau froide. », c’est arrivé pendant la canicule ; les gens disaient : « J’ai ouvert le robinet d’eau froide et je me suis brûlé. » À l’océan, Hélèna demande à des pêcheurs ce qu’ils attrapent. « Du bar et une cuite ! » (Ils sont au pastis.)
Vers 19h30, on s’est baigné dans l’océan glacé mais pur comme la neige. Et puis, ensuite, on a couru dans le soleil d’argent, nos deux corps couleur sable.
Puis ensuite (vers 20h10), le soleil a transformé le sable en or. Le sable de la dune verticale, le soleil à l’horizontal. De face – au soleil – à l’horizontal.
Ça a pris feu doucement comme de l’or. Ça nous parlait, ça nous parlait comme de l’or, de plus en plus.
– Tu vas réécrire la même phrase, mais plus gros.
Oui, l’or nous parlait comme de l’or. De plus en plus, l’or nous parlait. Tout le pays était en or. Le Cap d’or. Puis, plus loin, près des blockhaus, ocre, ocre rose. – Et, là, tu veux du vert émeraude – parce que y en a. Ma prof de dessin, elle disait : « Mettez un petit peu de vert émeraude dans vos ciels, ce sera plus beau. »
Les chevaux de la mer galopaient sans différence au paradis du ciel.
Hélèna : « Moi, je suis une artiste et une ménagère – et une mère –, pas une porn star. » (Technique de gorge profonde, enseignée par Cécilia.)
Plus tard, en remontant vers le Cap, le rapport entre la masse des nuages…
– Posés comme une île flottante.
et le plateau de l’océan. Sur la mer, les rides du temps et de l’amour.
À neuf heure et demie, quand Hélèna m’a demandé l’heure, – Tu penses qu’il doit être quelle heure ?, on était en ville, dans le lotissement.
"C’était une merveilleuse journée, et il ressentait comme une faveur, un privilège, le fait de vivre dans un monde si généreusement approvisionné en eau." (John Cheever, Le nageur.)
Et maintenant, trois phrases pour terminer en essayant d’écrire comme toi, mais non, ça se voit déjà qu’on a changé de clavier, tu changeras la ponctuation, tu mettras des tirets à la place des virgules, d’accord ?
Un, à la Pinasse au Cap Ferret, on a beau essayer de faire tout comme les riches on est pauvres et ce salaud de serveur se fout bien de notre gueule en nous conseillant de rentrer par là, pas de problème, vous pouvez marcher sur la plage, en plus la marée descend, lorsque vous arriverez aux Vignes il y a un bar à cocktails.
Deux, puisque c'est comme ça, on marche et on enlève son pantalon et on entre dans l’eau froide et noire le long des rochers avec parfois des cadavres de chien et des cailloux qui coupent et on est comme "the swimmer" dans la nouvelle de John Cheever que je garde près de mon lit depuis des semaines pour te la lire mais tu viens si tard et moi qui me lève tôt, n’en
profite pas pour te plaindre, je ne me plains pas, c’est toi qui te plains de ce que je me plains, alors que je te répète que j’adore être ici et marcher dans l’eau froide et manquer me tuer en rampant sur les rochers sans lumière ni sans culotte, moi j’enlève mon slip, fais ce que tu veux, arrête, j’arrête.
Trois, le nageur de John Cheever décide de rentrer chez lui à la nage, c’est à dire en passant par toutes les piscines à l’arrière des maisons du lotissement, comme nous qui sommes obligés pour ne pas nous noyer, car bien sûr la marée monte, de remonter par les jardins, et bien sûr une lumière s’allume alors que tu me tires par la queue, l’alarme se déclenche, les chiens bondissent, ça va, juste un crapaud, mais adorable, tu devrais l’embrasser, je t’ai déjà.
Yves-Noël Genod / Hélèna Villovitch
Bordeaux de temps en temps
« L’être aimé dans ce monde dissous est devenu la seule puissance qui ait gardé la vertu de rendre à la chaleur de la vie. Si ce monde n’était pas sans cesse parcouru par les mouvements convulsifs des êtres qui se cherchent l’un l’autre, s’il n’était pas transfiguré par le visage « dont l’absence est douloureuse », il aurait l’apparence d’une dérision offerte à ceux qu’il fait naître : l’existence humaine y serait présente à l’état de souvenir ou de film des pays « sauvages ». Il est nécessaire d’excepter la fiction avec un sentiment irrité. Ce qu’un être possède au fond de lui-même de perdu, de tragique, la « merveille aveuglante » ne peut plus être rencontrée que sur un lit. Il est vrai que la poussière satisfaite et les soucis dissociés du monde présent envahissent aussi les chambres : les chambres verrouillées n’en demeurent pas moins, dans le vide mental presque illimité, autant d’îlots où les figures de la vie se recomposent. » Georges Bataille.
Hélèna, déjà à l’Hôtel de la Plage, m’envoient des textos :
« ici, c’est le théâtre du boulevard de la plage. certains acteurs jouent mal, mais j’applaudis à tout. la blonde : parfaite. h »
« et tout est recouvert de poussière jaune, toi tu dirais dorée, même la mer. ne décroche quand je t’envoie des vagues dans 2 minutes, d’accord ? h »
Le 12 avril 2007. Départ Bordeaux.
Sur les affiches, les robes, les pantalons serrés. Le plan du quartier avec l’eau bleue autour de la Seine. L’eau – bleue. Les Joueurs de cartes (de Cézanne) dans le métro.
Foule de bruits d’oiseaux, de bruits d’enfants, de bruits de machines, merveilleuse nature très full. « C’est un milieu assez lâche où les gens refusent les conflits. »
Les enfilades de l’été , dans le TGV, glissant…
Réveillé pour le contrôle du billet.
L’armée des clones (les peupliers) par la fenêtre grillagée. Une banquette de rive de soleil. Au plaisir de se recroqueviller. L’enfance, l’été, plus de problème, voyage. Le colza infini : une intensité de plage – fluo. Nos amies les bêtes. L’humanité pousse comme la nature.
En fait, le train allait jusqu’à Arcachon. Un homme avait dans le dos de son pull, brodé : « L’Île aux Oiseaux ». Un autre descendait à Bordeaux avec dans la main un cours de droit administratif. La ville, c’est la nature, c’est pareil. Le petit chien baillait comme pour montrer que, lui aussi, possédait, à l’intérieur, les couleurs vieux rose et blanc fané de la blouse de sa patronne. La transmutation de la transparence. Chez Adonis, Alexia voulait un « Muscle de femme », « Le nez du plaisir » ou chais pas quoi… Le serveur nous amène un « Pubis de femme », mais ce n’est pas ça que nous avions demandé… « Le biceps de la femme. » En face du Bar Castan, sur les bords de la Garonne, le nez en l’air, j’ai…, je me suis enfoncé dans le béton frais et j’y ai laissé les empreintes de mes converses – comme à Hollywood, ai-je pensé… Un peu plus loin, la piscine magique du Miroir d’Eau, les gens sont pieds nus – mais n’enfonçaient pas – marée basse et palourdes. Petits jets d’eau qui crachent, juste pour le bruit. Clapotements vivants. Enfants. Miroir. Désert apprivoisé de la Garonne. La piscine, puis l’ondulation du sable, puis la mer, c’est comme ça que me décrit Alexia la maison de Starck (son fils est copain avec le fils aux boucles blondes de Philippe Starck). C’est un peu aussi le paysage inédit, moderne et romain que forme le Miroir d’Eau avec la Garonne, en face de la Bourse.
Bruits divers, pétrissage par le soleil.
Des images de plages, hors-bord, ou de ski : une famille en rollers.
« Bordeaux veut devenir une capitale du tourisme. Car on fait beaucoup de tourisme urbain. Moi-même… – C’est un petit Paris. – C’est un peu Montpellier. – Je dirais pas ça. – Mais si : Montpellier, Narbonne… »
« Thés de grandes origines. »
Au croisement romain de la rue Sainte-Catherine et de la rue Saint-Rémi.
Dans quelques temps, la France va avoir le charme d’une dictature, Espagne, Portugal, Italie, Russie, Yougoslavie, Allemagne de l’Est… On le sent déjà, ce printemps, à Bordeaux. Repli sur les valeurs, sur l’essentiel, abandon de la politique, de l’idée de conquête, de progrès, repli, réemploi de l’idée du charme. Trabant. « Je dis pas que c’est elle qui sait pas faire, je dis que ça doit être avant la chute, déjà. » Le charme des pays décalés, les pays heureux, les dictatures, disparition des polémiques, le mensonge égale la vérité : « La Pravda ». Les chefs sont les chefs.
Je passe devant l’Onyx, café-théâtre. Puis place du Parlement (Versailles). Histoire d’y voir. Suivant l’endroit de la place où l’on se tient, on peut entendre des conversations à une terrasse très loin. Discrimination d’écoute.
Point X, rue Saint-Rémi, on me demande où j’ai trouvé mon jean. C’est Dior. La jeune femme me dit qu’ils en font chez Zara (Bershka, pour les ados) en blanc, mais qu’ils n’avaient pas sa taille.
Non écrire. Non spectacle.
Au Café Club (depuis 1969), une lolita nue sous ses vêtements (qui la déshabillent) entre et demande : « Est-ce que c’est possible de vous prendre quelque chose que je payerai demain ou tout à l’heure ? – Qu’est-ce que vous voulez ? – Vous avez un brownie ? – Non. – Ah ? Vous ne les faites plus ou vous n’en avez plus ? – On n’en a plus. – Et demain, vous en aurez ? – Je ne sais pas. – Bon, au-revoir. » Le bon café revient moins cher que le mauvais. La rumination du cerveau se calme ; on est plus proche, on se rapproche du royaume de Dieu, de l’amour.
Dans le taxi en direction du Théâtre de la Chaussure, fenêtre ouverte, on pense encore : tout a été dit, mais rien n’a été dit. Érica : « Je travaille en compagnie d’EDF, demain, chez moi. »
« …Une sorte de paranoïa dans la jungle…» (Radio, route de la savane.)
Arrivée : « C’est trop beau ! » La même chose sans la pierre, c’est pas mal aussi… Comment peut-on se passer de ça ?
« – Bon, on va se promener ? – Oui, parce que sinon je vais m’endormir. »
Avec tous ces petits bruits qu’on entend, bruits de volière, dans la chambre blanche et rose du même rose et blanc que la gueule du chiot.
Vieux rose – ou « rose cochon », dit aussi Hélèna, comme ma chemise, aussi, un poil plus mauve…
Yves-Noël Genod, le moraliste
Le nom des maisons : « Douce bêtise », « Imprévu », « C’est le Rêve »… Là, un petit idéal gréco-romain… Et aussi : « ? », le nom d’une de ces maisons du village de L’Herbe (qui gagne le concours). Une exposition de chez Cortex Athletico… La maison de Picabia.
Le pollen soufre déposé par la marée sur la plage.
Hélèna me montre le grand immeuble d’Arcachon qui était en feu l’autre soir. Ce soir : blanc comme une craie.
Un liseré jaune soufre absolument assorti au camaïeu du village, des coques désuètes des bateaux, à la blondeur pâle de la plage, à la folie diaphane du calme des nuées, du bassin plat, de l’île de Venise. Pollen, pigment. Wolfgang Laib faisait avec un pollen plus doré, je pense. « Mais, après, tout dépend de la lumière. », dit Hélèna.
Les pages blanches promises, je vais les donner au lecteur aujourd’hui. J’ai peu de temps pour écrire. Nous sommes à l’Hôtel de la Plage, elle et moi. Pâques est passé si vite, Noël, la Trinité. On part à Bologne directement du Bassin d’Arcachon. Café noisette, c’est un bon titre aussi. – Bof. – Si (pour Casse-Noisette). – Ça me fait penser à tout, le café noisette. Mon ex-mari qui est mort. Ça me fait penser aux œufs durs. Je ne voudrais pas être… Mais quand même…
On parlait de Georges Bataille avec la patronne (elle n’a pas connu).
– J’ai relu Lady Chaterley… – Vous voulez du lait ou pas de lait ? – Non, pas pour moi. – J’ai relu Lady Chaterley, c’est vachement moins bien que quand je l’ai lu la première fois. Je reconnaissais des passages, enfin, des idées, alors que, là, Le bleu du ciel, c’est toujours aussi bien. Là, je reconnais des phrases. – Voici, café, thé.
Alors, là où je voulais en venir… Il y a tellement d’événements.
– Le pollen, ah, oui. – Ouais, c’est dégueulasse. – Ça s’immisce partout. C’est que – et je voudrais pas foutre la merde – le jeune James Dean au petit cul que je prenais pour le père de Lucas (disparu, lui – en colonie ?) et que je voulais sauter entre deux… dans un intervalle de ma vie avec Hélèna (je redis pour les lecteurs à qui ça aurait échappé) a m…
– Allez, te crève pas, garde tes forces pour plus tard. C’est pas votre truc, les garçons, de frotter par terre. C’est un travail pour les femmes. – C’est des muscles qu’on n’a pas… – Il me tue, il me tue, ce sol, oh, là, là… – C’est trop clair ? – Oh, là, là…
a maintenant un copain (signalé par Hélèna à mon arrivée) encore plus beau – mais plus beau ! – que lui, un enfant je-m’en-foutiste, mais de bonne volonté, simplement couillu, barbu et parfaitement au point. – J’ai entendu dire sur Catherine Deneuve qu’elle mouillait tout le temps. Alors, quand elle s’asseyait sur une chaise, il fallait essuyer. Je ne sais pas qui a fait courir ce bruit-là. (Parce qu’Hélèna me demande de lire ce que je vais dire au Musée Zadkine pour savoir si elle peut inviter ses amis.) – Tu sais, plutôt que James Dean, je dirais Matt Dillon. – Et l’autre ? – Le frère de River Phœnix, tu sais, celui qui a une cicatrice à la lèvre. Sinon, tu marques Brad Pitt, c’est pareil.
Des huîtres grosses comme du fois gras
C’est beau, le fric, quand même… Vivre comme des princes. Savoir manipuler le monde…
Hélèna se fout de moi quand elle me voit me poser sur le carnet…
– Ma sœur habite pas loin d’ici, elle me dit : « Ah, tu me diras si tu trouves des endroits chouettes pour se balader. » J’arrête si t’écris des trucs sur ma sœur !
pour noter la profondeur de mes réflexions.
Sur le banc que dans mon souvenir je croyais avoir décrit blanc… – Tu veux pas écrire : « la mer argent » ? – ce serait l’occasion ou jamais.
Mais.
On imagine la partouze.
– Il pleut un peu, non ? – Oui, il y a des fines gouttelettes de… de sperme. – De sperme de qui ? – De sperme de Dieu. – Oui, c’est bien ce que je pensais.
Le bateau-scorpion
C’est chose faite, retirons Josée Lapeyrère de l’histoire. (À propos, j’imaginais que c’était dans les années 70, les cocktails Gallimard, mais Bataille est mort en 62, l’année de ma naissance.) Elle ne veut pas d’histoires avec Sandra. Je demande à Hélèna comment Sandra pourrait faire des histoires. – Peut-être. Tu sais, Sandra, elle est un peu sensible au niveau de la famille. Sa mère est morte et elle ne voit plus son père ni sa sœur et on lui parle tout le temps de son grand-père, Georges Bataille, qu’elle n’a jamais connu. Bien sûr, tout ça est idiot et la mer avec son bruit animal est toujours dans des effets de peau de serpent métallique. Dans des gris, nuance plus ou moins morte, plus ou moins intelligente, plus ou moins métaphysique. Les amants vivent dans le monde et la parade. Le bateau-scorpion, tout plat, presque sous l’eau, avec une petite grue rouge. Les piquets comme à Venise. Clarté plus ou moins guerrière, plus ou moins paisible de ce bassin, aujourd’hui.
Pour le beau mec aux belles dents…
– Toi aussi, tu as de belles dents. – No kidding ! Dans un autre genre…
…est de Rennes. Pour lui, c’est grand beau temps…
Quand elle vole, l’aigrette tend les pointes comme une danseuse. Regarde la gouleur, là, la gouleur gouloue. – Tu enfanteras dans la gouleur… – Ouais.
On regarde un dessin de William Blake, du Paradis perdu. La punition du serpent : « Tu ramperas dans la poussière toute ta vie. » Ah, bon ? Alors il était pas un serpent, avant ? L’homme : « Tu travailleras à la sueur de ton front. » Ce que Guyotat comprend : « à la sueur de ton sexe ». La femme : « Tu enfanteras dans la douleur. » Alexia en est au quatrième mois. Ça se voit.
Mer cure
« La mer titane » ? – « La mer titane », c’est pas mal. Tout le paysage est un paysage de ciel. Tout le paysage est projeté dans le ciel. Le bassin, simple miroir. Hélèna me montre une phrase de son livre : « Nous étions allés nous installer dans un village de pêcheurs. » « Julien, c’est très chaud ! Attends un peu. » « Un petit coup de pif. Un rouge et deux blancs. » Les animaux, le chien noir, – Le chat noir là-haut, c’est pareil., sont couverts de pollen. « Vas te balader, Kiki, reste pas là. » On dirait qu’ils sont sales, qu’ils se sont roulés dans la poussière. Non, finalement, il a dû se laver, le chat, parce qu’il a plus de pollen. – Qu’est-ce qu’il fait pour se laver ? – Bin, il s’est léché. – Un petit café. – Vous vous êtes baignée quand ? – Mais au bassin ou à l’océan ? – T’as vu, y a un enfant qui s’est amusé à enlever un s à poisson. Poison du jour. – J’ai un ami qui est psychanalyste… – C’est une folle tordue ? – C’est vrai.
À L’Herbe, la présence de l’été. Mais l’été, pour moi, c’est… C’est le mélange, la confusion et le plaisir, la sensualité, la chaleur de ça. Le sexe à l’intérieur. Le pollen jaunit les bords de la mer qui du coup, plus loin, paraît violette. Qu’est-ce qui reflète ? Miroir ou ciel ? La mer, côté bassin, la plus familière des amies, une chatte. Un chien. La richesse, c’est sur plusieurs génération que c’est beau. « Pas mal. Un peu froide, quand même. Un peu froide et bourrée de pollen. » « Allez faire une balade à l’océan aussi. – Oh, non, pas l’océan. – Allez voir l’océan, enfin, c’est fantastique ! » Hortense et Lou. « Les amants parlent et leur paroles bouleversées rabaissent et enflent en même temps le sentiment qui les meut. Car ils transfèrent dans la durée ce dont la vérité se tient le temps d’un éclair. » Georges Bataille.
Les amants parlent
– « L’eau chaude coule du robinet d’eau froide. », c’est arrivé pendant la canicule ; les gens disaient : « J’ai ouvert le robinet d’eau froide et je me suis brûlé. » À l’océan, Hélèna demande à des pêcheurs ce qu’ils attrapent. « Du bar et une cuite ! » (Ils sont au pastis.)
Vers 19h30, on s’est baigné dans l’océan glacé mais pur comme la neige. Et puis, ensuite, on a couru dans le soleil d’argent, nos deux corps couleur sable.
Puis ensuite (vers 20h10), le soleil a transformé le sable en or. Le sable de la dune verticale, le soleil à l’horizontal. De face – au soleil – à l’horizontal.
Ça a pris feu doucement comme de l’or. Ça nous parlait, ça nous parlait comme de l’or, de plus en plus.
– Tu vas réécrire la même phrase, mais plus gros.
Oui, l’or nous parlait comme de l’or. De plus en plus, l’or nous parlait. Tout le pays était en or. Le Cap d’or. Puis, plus loin, près des blockhaus, ocre, ocre rose. – Et, là, tu veux du vert émeraude – parce que y en a. Ma prof de dessin, elle disait : « Mettez un petit peu de vert émeraude dans vos ciels, ce sera plus beau. »
Les chevaux de la mer galopaient sans différence au paradis du ciel.
Hélèna : « Moi, je suis une artiste et une ménagère – et une mère –, pas une porn star. » (Technique de gorge profonde, enseignée par Cécilia.)
Plus tard, en remontant vers le Cap, le rapport entre la masse des nuages…
– Posés comme une île flottante.
et le plateau de l’océan. Sur la mer, les rides du temps et de l’amour.
À neuf heure et demie, quand Hélèna m’a demandé l’heure, – Tu penses qu’il doit être quelle heure ?, on était en ville, dans le lotissement.
"C’était une merveilleuse journée, et il ressentait comme une faveur, un privilège, le fait de vivre dans un monde si généreusement approvisionné en eau." (John Cheever, Le nageur.)
Et maintenant, trois phrases pour terminer en essayant d’écrire comme toi, mais non, ça se voit déjà qu’on a changé de clavier, tu changeras la ponctuation, tu mettras des tirets à la place des virgules, d’accord ?
Un, à la Pinasse au Cap Ferret, on a beau essayer de faire tout comme les riches on est pauvres et ce salaud de serveur se fout bien de notre gueule en nous conseillant de rentrer par là, pas de problème, vous pouvez marcher sur la plage, en plus la marée descend, lorsque vous arriverez aux Vignes il y a un bar à cocktails.
Deux, puisque c'est comme ça, on marche et on enlève son pantalon et on entre dans l’eau froide et noire le long des rochers avec parfois des cadavres de chien et des cailloux qui coupent et on est comme "the swimmer" dans la nouvelle de John Cheever que je garde près de mon lit depuis des semaines pour te la lire mais tu viens si tard et moi qui me lève tôt, n’en
profite pas pour te plaindre, je ne me plains pas, c’est toi qui te plains de ce que je me plains, alors que je te répète que j’adore être ici et marcher dans l’eau froide et manquer me tuer en rampant sur les rochers sans lumière ni sans culotte, moi j’enlève mon slip, fais ce que tu veux, arrête, j’arrête.
Trois, le nageur de John Cheever décide de rentrer chez lui à la nage, c’est à dire en passant par toutes les piscines à l’arrière des maisons du lotissement, comme nous qui sommes obligés pour ne pas nous noyer, car bien sûr la marée monte, de remonter par les jardins, et bien sûr une lumière s’allume alors que tu me tires par la queue, l’alarme se déclenche, les chiens bondissent, ça va, juste un crapaud, mais adorable, tu devrais l’embrasser, je t’ai déjà.
Yves-Noël Genod / Hélèna Villovitch
Labels: hélèna villovitch yves-noël genod dispariteur spirit
0 Comments:
Post a Comment
<< Home