Décidément Sandra Iché parle très, très bien des choses...
Cher Yves-Noël,
Pour répondre à "mon rêve, l'inconscient" et embrasser, avec nos autres compagnons qui te répondent, la nostalgie qui flotte encore,
je m'aventure à te parler boulot, au risque de paraître décidément old school (ce que je ne renie pas), et à te dire combien ces quelques jours passés dans les nimbes de tes désirs, de ton aura, de tes visions, ont été à la fois l'occasion de tourments et de révolutions paradigmatiques. D'où le rire sans doute, celui dont tu parles dans le gentil mot que tu m'as adressé, un rire qui se présente, saisissant, sans avoir été convié, celui de quelqu'un dont un certain nombre d'appuis sont en train d'être ébranlés. Un matin de lectures, Bastien (thelongman) tentait de nous faire entendre les mots de Paul Ceylan. A la première lecture, tu es resté silencieux, indifférent aux sons que tu entendais. A la seconde lecture, les mots de Ceylan ont trouvé leur trajet de la bouche de Bastien à ton âme, et sans le décider tu as commencé à scander tes inimitables "très très beau ... magnifique ... continue ...". Que s'était-il passé ? Je t'ai posé la question. De quel artifice Bastien s'était-il paré ? Un rythme ? Un grain de voix ? Tu m'as répondu, absolu, qu'il n'y avait là rien de formel à négocier. Sans doute les comédiens le savent déjà, leur apprend-on dans les écoles ? Ça n'a eu l'air de rien et pourtant, petite bombe à retardement, car alors, que reste-il à travailler pour quelqu'un qui rêve de contraintes pour rendre visible le souffle ? A quelle lanterne se fier dans les espaces absolument indéterminés, apparemment arythmiques dans lesquels tu nous proposais d'évoluer ? Il a fallu que je m'invente un oeil nouveau pour voir que ces espaces offraient déjà, sans qu'on les ait tordus, leurs lignes, leurs rythmes, leurs vagues, il a fallu que j'apprivoise ces plans affolants d'horizontalité, que je me déleste de la peur que mon petit égo, dans un espace aussi peu contraint, en profite pour vous faire le grand déballage, il a fallu que j'envisage que c'était justement dans ces espaces qu'il devenait passionnant de tenter de disparaître pour que vous entendiez ... Claudel, par exemple. Si je me mets pour de bond à L'échange, tu voudrais bien venir m'écouter de temps en temps et que ton indifférence ou ton "très, très beau" me servent de boussole ?
Duras encore :
"Un état d’écoute extrêmement intense, voyez, mais de l’extérieur. Quand les gens qui écrivent vous disent : quand on écrit on est dans la concentration, moi je dirais : non, quand j’écris, j’ai le sentiment d’être dans l’extrême déconcentration, je ne me possède plus du tout, je suis moi-même une passoire, j’ai la tête trouée. Je ne peux m’expliquer ce que j’écris que comme ça, parce qu’il y a des choses que je ne reconnais pas, dans ce que j’écris. Donc elles me viennent bien d’ailleurs, je ne suis pas seule à écrire quand j’écris."
"Quand je parle du sens d’un plan, je veux parler de sa direction, celle qu’il fait prendre au plan qu’il suit et celle qu’il prend à son tour quand il est lui-même dépassé. Rien d’autre. Le sens général du film, c’est à la fois la permanence de cette direction et les intensités différentes que prend son flux à travers les plans qu’elle traverse."
"Je voudrais faire, dire, dire un long mugissement fait de tous les mots fondus et revenus au même magma, intelligible à Lol."
Je t'embrasse
Sandra
Pour répondre à "mon rêve, l'inconscient" et embrasser, avec nos autres compagnons qui te répondent, la nostalgie qui flotte encore,
je m'aventure à te parler boulot, au risque de paraître décidément old school (ce que je ne renie pas), et à te dire combien ces quelques jours passés dans les nimbes de tes désirs, de ton aura, de tes visions, ont été à la fois l'occasion de tourments et de révolutions paradigmatiques. D'où le rire sans doute, celui dont tu parles dans le gentil mot que tu m'as adressé, un rire qui se présente, saisissant, sans avoir été convié, celui de quelqu'un dont un certain nombre d'appuis sont en train d'être ébranlés. Un matin de lectures, Bastien (thelongman) tentait de nous faire entendre les mots de Paul Ceylan. A la première lecture, tu es resté silencieux, indifférent aux sons que tu entendais. A la seconde lecture, les mots de Ceylan ont trouvé leur trajet de la bouche de Bastien à ton âme, et sans le décider tu as commencé à scander tes inimitables "très très beau ... magnifique ... continue ...". Que s'était-il passé ? Je t'ai posé la question. De quel artifice Bastien s'était-il paré ? Un rythme ? Un grain de voix ? Tu m'as répondu, absolu, qu'il n'y avait là rien de formel à négocier. Sans doute les comédiens le savent déjà, leur apprend-on dans les écoles ? Ça n'a eu l'air de rien et pourtant, petite bombe à retardement, car alors, que reste-il à travailler pour quelqu'un qui rêve de contraintes pour rendre visible le souffle ? A quelle lanterne se fier dans les espaces absolument indéterminés, apparemment arythmiques dans lesquels tu nous proposais d'évoluer ? Il a fallu que je m'invente un oeil nouveau pour voir que ces espaces offraient déjà, sans qu'on les ait tordus, leurs lignes, leurs rythmes, leurs vagues, il a fallu que j'apprivoise ces plans affolants d'horizontalité, que je me déleste de la peur que mon petit égo, dans un espace aussi peu contraint, en profite pour vous faire le grand déballage, il a fallu que j'envisage que c'était justement dans ces espaces qu'il devenait passionnant de tenter de disparaître pour que vous entendiez ... Claudel, par exemple. Si je me mets pour de bond à L'échange, tu voudrais bien venir m'écouter de temps en temps et que ton indifférence ou ton "très, très beau" me servent de boussole ?
Duras encore :
"Un état d’écoute extrêmement intense, voyez, mais de l’extérieur. Quand les gens qui écrivent vous disent : quand on écrit on est dans la concentration, moi je dirais : non, quand j’écris, j’ai le sentiment d’être dans l’extrême déconcentration, je ne me possède plus du tout, je suis moi-même une passoire, j’ai la tête trouée. Je ne peux m’expliquer ce que j’écris que comme ça, parce qu’il y a des choses que je ne reconnais pas, dans ce que j’écris. Donc elles me viennent bien d’ailleurs, je ne suis pas seule à écrire quand j’écris."
"Quand je parle du sens d’un plan, je veux parler de sa direction, celle qu’il fait prendre au plan qu’il suit et celle qu’il prend à son tour quand il est lui-même dépassé. Rien d’autre. Le sens général du film, c’est à la fois la permanence de cette direction et les intensités différentes que prend son flux à travers les plans qu’elle traverse."
"Je voudrais faire, dire, dire un long mugissement fait de tous les mots fondus et revenus au même magma, intelligible à Lol."
Je t'embrasse
Sandra
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