Ça
Alain Jugnon, philosophe me demande un texte pour "Contre-attaques". Je suis bien embêté. Chais pas écrire, moi, surtout de la philo. Sur le thème d'Action Directe. "Action directe", c'est le nom que voulais donner Claude Régy à son association*. Ça avait amusé Marguerite Duras, je me souviens. Toute une époque... Je demande à mon amie Violette Villard (philosophe) qui a vu plusieurs de mes spectacles (et participé à un stage) ce qu'elle en pense... Ça :
"le vrai théâtre, comme il te demande,
c'est comment tu les non ce toi (donc avec prégnance de tes debouts, tes non à une certaine scène orthodoxe du théâtre en même temps que tes transmissions inconscientes ou très avérées à des noms d'un front de la scène du théâtre contemporain), tes filiations ou anti-gènes dans le processus de tes créations
écris une espèce d'autoportrait en Yves-No (fais rimer de toi ton patronyme en y déjouant le négatif, le "Dispariteur", et la jeunesse du Genod, ça c'est de l'analytique pur que tu réincarnes dans ta poïésis : langue de créaction dans tes montages mutants, dans tes autres-scènes )
donc dribble avec des concepts deleuziens repris d'Artaud ; comment se faire un corps sans organes, défaire le visage, devenir-intense, devenir-animal, devenir-imperceptible
il attend sans doute des variations sur ton théâtre de la bouche humaine, du corps-grâce, de la langue-flamme,
de l'exil extatique de tes zones femmes en Duras-land, de la métamorphose infinie de l'archaïque en attentat vibratoire des formes
je ne connais pas du tout Alain Jugnon, mais, en revanche, vois bien la lignée militante, travaillant l'extrême de l'éros et de la pulsion dans ses trouvailles et éclats
du côté du vivant plastique, jouissant, impur,
mais forcément gracieux dans cette traversée des signes
il te voit dialoguer avec Nietzsche, Artaud, il oublie Duras
mets-toi-z-y comme si tu écrivais sur ton blog, juste en te replaçant peut-être dans un motif généalogique
ou au contraire, si cela te coïncide mieux, dans un anti-motif
bref, écris comme tu le fais mieux que quiconque
voilà ce qui me vient a priori
si tu veux, tu m'envoyes au milieu et je redraine des concepts au vu des allures prises
mille couleurs violettes
les références données de Deleuze-Guattari sont dans Mille Plateaux
et tu vois les dernières publications de Surya-Lignes, c'est un inédit de Bataille
sur le péché
peut-être aussi faire jouer tes associations
sur la chair-la mystique-l'exacerbation ou le dépouillement
l'abolition des signes
la défaite des significations
la levée du sens-sève
la grâce de l'Etre
ciao, Yves-Noël,
penses-tu que cela a pu t'aider, mes brèves d'hier soir ?
ne t'ai pas demandé l'essentiel, comment vas-tu, toi ?
fais-tu des choses bientôt sur Paris intra-muros ?
pensées solaires,
VV"
C'est moi qui mets en bold la phrase que je préfère. Et voici la demande d'Alain Jugnon :
"bonjour,
voilà le pdf
c'est simple, je veux un texte de vous, sur votre "théâtre" (vos actions parlées) en tant qu'action directe
ce sera un volume sur Rouillan, ex d'Action Directe, en prison depuis 1987, un volume donc aussi sur l'esthétique de l'action, bien sûr !
votre théâtre est celui qui, le moins "théâtral" pensable et possible, repolitise le mieux selon moi ce qui s'appelle faire un acte
à vous
Alain
cher Yves-Noël
pour vous aider ou pas
je suis philosophe, mais j'ai écrit un livre sur Artaud (Artaudieu chez Lignes)
et j'ai écrit du théâtre... une pièce dans laquelle je mets Nietzsche en scène, une autre où je mets Bataille en jeu et encore une où c'est Debord qui s'y colle à ma scène
alors, ce que j'attendrais de vous, c'est d'écrire sur le vrai théâtre (= la pensée-corps, je pense) que vous faites sans en faire... du "théâââtre"
Alain"
Si jamais un de mes lecteurs voit de quoi il s'agit et pourrait répondre... Moi, cette histoire d'Action Directe, ça me fait penser à l'autre soir (ma mémoire est courte ou des années 80), que, l'autre soir, on dînait au Petit Suisse, le café derrière l'Odéon et Jeanne a dit qu'elle connaissait François-Marie Banier, qu'il l'avait un jour (ancien) comparée à Sylvana Mangano (comparaison qui n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde puisqu'elle m'en a parlée au moment de son séjour sur le lac Majeur, après Locarno) et quelqu'un a cru bon de parler de Pascal Greggory et l'amie de Jeanne qui était la seule personne à table que je ne connaissais pas - puisqu'il y avait Marlène (qui boit trop), Pierre, Jonathan(e), Jonathan, Jeanne, moi, cette personne et Nawel et Valérie - a dit : "Pascal Greggory, c'est un criminel ?" avant de s'apercevoir qu'elle confondait avec le petit Grégory qui n'était pas non plus un criminel, on a bien rit, mais j'ai recommencé à lire Bret Easton Ellis (ce matin), voici pourquoi on ne va pas facilement me déporter vers cette branche de la littérature qu'on appelle la philosophie. (J'ai bien peur.) Je voulais dire encore une chose (incroyable) : Jonathan(e) soutenait mordicus qu'Alain Delon était pédé, qu'il avait été l'amant de Luchino Visconti, mais, là, ça a été trop pour moi (c'est pas les années 80, ça), j'étais pas né... Et puis, de toute façon, Jeanne, à la fin, a dit beaucoup de mal de son ancien amant le plus récent et a dit aussi qu'elle retournait avec un ancien amant plus ancien - elle m'a demandé si c'était mal - j'ai assuré que, non, pas du tout, ça se faisait, mais je me suis éclipsé sans trop chercher à voir parmi les hommes devant le café lequel c'était, moi, la sexualité, heureusement, j'en suis sorti, directement par la grande porte : plus d'travail, plus d'sexe, plus d'action... L'action des plantes, comme dit Michel Houellebecq, l'envahissement des plantes, l'action directe des plantes. "C'est ainsi que Jed Martin prit congé d'une existence à laquelle il n'avait jamais complètement adhérée. Des images lui revenaient maintenant, et curieusement, alors que sa vie érotique n'avait rien eu d'exceptionnel, il s'agissait surtout d'images de femmes." Et cette dernière phrase, l'explicit : "Il n'y a plus que des herbes agitées pas le vent. Le triomphe de la végétation est total."
Mais il y a aussi une autre phrase tirée de La Carte et le territoire dont j'aimerais, un peu prétentieusement, qu'on qualifie mon théâtre : "comme une sorte de familiarité avec la vie".
* L'association de Claude Régy s'appelait "Les Ateliers contemporains", mais il n'aimait pas ce titre. Un autre titre à lui suggérer, à la place d'Action directe, puisqu'il est toujours parmi nous, serait : "L'Irréel contemporain".
YNG (23 septembre 2010)
"le vrai théâtre, comme il te demande,
c'est comment tu les non ce toi (donc avec prégnance de tes debouts, tes non à une certaine scène orthodoxe du théâtre en même temps que tes transmissions inconscientes ou très avérées à des noms d'un front de la scène du théâtre contemporain), tes filiations ou anti-gènes dans le processus de tes créations
écris une espèce d'autoportrait en Yves-No (fais rimer de toi ton patronyme en y déjouant le négatif, le "Dispariteur", et la jeunesse du Genod, ça c'est de l'analytique pur que tu réincarnes dans ta poïésis : langue de créaction dans tes montages mutants, dans tes autres-scènes )
donc dribble avec des concepts deleuziens repris d'Artaud ; comment se faire un corps sans organes, défaire le visage, devenir-intense, devenir-animal, devenir-imperceptible
il attend sans doute des variations sur ton théâtre de la bouche humaine, du corps-grâce, de la langue-flamme,
de l'exil extatique de tes zones femmes en Duras-land, de la métamorphose infinie de l'archaïque en attentat vibratoire des formes
je ne connais pas du tout Alain Jugnon, mais, en revanche, vois bien la lignée militante, travaillant l'extrême de l'éros et de la pulsion dans ses trouvailles et éclats
du côté du vivant plastique, jouissant, impur,
mais forcément gracieux dans cette traversée des signes
il te voit dialoguer avec Nietzsche, Artaud, il oublie Duras
mets-toi-z-y comme si tu écrivais sur ton blog, juste en te replaçant peut-être dans un motif généalogique
ou au contraire, si cela te coïncide mieux, dans un anti-motif
bref, écris comme tu le fais mieux que quiconque
voilà ce qui me vient a priori
si tu veux, tu m'envoyes au milieu et je redraine des concepts au vu des allures prises
mille couleurs violettes
les références données de Deleuze-Guattari sont dans Mille Plateaux
et tu vois les dernières publications de Surya-Lignes, c'est un inédit de Bataille
sur le péché
peut-être aussi faire jouer tes associations
sur la chair-la mystique-l'exacerbation ou le dépouillement
l'abolition des signes
la défaite des significations
la levée du sens-sève
la grâce de l'Etre
ciao, Yves-Noël,
penses-tu que cela a pu t'aider, mes brèves d'hier soir ?
ne t'ai pas demandé l'essentiel, comment vas-tu, toi ?
fais-tu des choses bientôt sur Paris intra-muros ?
pensées solaires,
VV"
C'est moi qui mets en bold la phrase que je préfère. Et voici la demande d'Alain Jugnon :
"bonjour,
voilà le pdf
c'est simple, je veux un texte de vous, sur votre "théâtre" (vos actions parlées) en tant qu'action directe
ce sera un volume sur Rouillan, ex d'Action Directe, en prison depuis 1987, un volume donc aussi sur l'esthétique de l'action, bien sûr !
votre théâtre est celui qui, le moins "théâtral" pensable et possible, repolitise le mieux selon moi ce qui s'appelle faire un acte
à vous
Alain
cher Yves-Noël
pour vous aider ou pas
je suis philosophe, mais j'ai écrit un livre sur Artaud (Artaudieu chez Lignes)
et j'ai écrit du théâtre... une pièce dans laquelle je mets Nietzsche en scène, une autre où je mets Bataille en jeu et encore une où c'est Debord qui s'y colle à ma scène
alors, ce que j'attendrais de vous, c'est d'écrire sur le vrai théâtre (= la pensée-corps, je pense) que vous faites sans en faire... du "théâââtre"
Alain"
Si jamais un de mes lecteurs voit de quoi il s'agit et pourrait répondre... Moi, cette histoire d'Action Directe, ça me fait penser à l'autre soir (ma mémoire est courte ou des années 80), que, l'autre soir, on dînait au Petit Suisse, le café derrière l'Odéon et Jeanne a dit qu'elle connaissait François-Marie Banier, qu'il l'avait un jour (ancien) comparée à Sylvana Mangano (comparaison qui n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde puisqu'elle m'en a parlée au moment de son séjour sur le lac Majeur, après Locarno) et quelqu'un a cru bon de parler de Pascal Greggory et l'amie de Jeanne qui était la seule personne à table que je ne connaissais pas - puisqu'il y avait Marlène (qui boit trop), Pierre, Jonathan(e), Jonathan, Jeanne, moi, cette personne et Nawel et Valérie - a dit : "Pascal Greggory, c'est un criminel ?" avant de s'apercevoir qu'elle confondait avec le petit Grégory qui n'était pas non plus un criminel, on a bien rit, mais j'ai recommencé à lire Bret Easton Ellis (ce matin), voici pourquoi on ne va pas facilement me déporter vers cette branche de la littérature qu'on appelle la philosophie. (J'ai bien peur.) Je voulais dire encore une chose (incroyable) : Jonathan(e) soutenait mordicus qu'Alain Delon était pédé, qu'il avait été l'amant de Luchino Visconti, mais, là, ça a été trop pour moi (c'est pas les années 80, ça), j'étais pas né... Et puis, de toute façon, Jeanne, à la fin, a dit beaucoup de mal de son ancien amant le plus récent et a dit aussi qu'elle retournait avec un ancien amant plus ancien - elle m'a demandé si c'était mal - j'ai assuré que, non, pas du tout, ça se faisait, mais je me suis éclipsé sans trop chercher à voir parmi les hommes devant le café lequel c'était, moi, la sexualité, heureusement, j'en suis sorti, directement par la grande porte : plus d'travail, plus d'sexe, plus d'action... L'action des plantes, comme dit Michel Houellebecq, l'envahissement des plantes, l'action directe des plantes. "C'est ainsi que Jed Martin prit congé d'une existence à laquelle il n'avait jamais complètement adhérée. Des images lui revenaient maintenant, et curieusement, alors que sa vie érotique n'avait rien eu d'exceptionnel, il s'agissait surtout d'images de femmes." Et cette dernière phrase, l'explicit : "Il n'y a plus que des herbes agitées pas le vent. Le triomphe de la végétation est total."
Mais il y a aussi une autre phrase tirée de La Carte et le territoire dont j'aimerais, un peu prétentieusement, qu'on qualifie mon théâtre : "comme une sorte de familiarité avec la vie".
* L'association de Claude Régy s'appelait "Les Ateliers contemporains", mais il n'aimait pas ce titre. Un autre titre à lui suggérer, à la place d'Action directe, puisqu'il est toujours parmi nous, serait : "L'Irréel contemporain".
YNG (23 septembre 2010)
Labels: correspondance
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