Saturday, October 09, 2010

Marseille Miracle

Qu’est-ce que la danse ?

Séjour parfait.
J’y suis encore.
Tout à l’heure, je déjeune avec Claire et j’auditionne ensuite un acteur-chanteur. Faut mieux se jeter dessus quand il en est encore temps... Pour faire l’opérette, je peux me passer de la danse – je veux dire de la danse contemporaine française – mais je ne peux pas me passer du jeu et du chant. Tripple thread sont les Américains.

J’ai tout aimé à actOral 2010, ce que j’ai vu, presque tout. J’aime être bon public. Je suis comme le public d’Avignon : je viens pour aimer, pour la fête. J’ai aimé Yan Duyvendak, j’ai aimé Das Plateau, j’ai aimé Gérald Kurdian. J’ai adoré quand Vladimir Golubev chante en russe, accompagné à la guitare, c’est si beau, ça communique si bien. J’ai adoré quand il a fait tomber des feuilles d’automne en tirant juste sur un fil (il en avait coincé un paquet au-dessus de lui). J’ai été jaloux (jaloux = admiratif, ébloui) de cette idée low cost poétiquement puissante (comme toutes les idées low cost). J’ai beaucoup aimé quand il a fait venir Charles sur scène et lui a prêté son iPhone pour qu'il le filme pendant sa chanson (en tournant autour de lui) : parfait. Mais je n’ai pas du tout aimé sa danse. Pourquoi y-a-t-il des tonnes de danseurs qui dansent si mal, c’est un mystère pour moi. Depuis que j’ai rencontré Dinozord et Papy Ebotani, je n’ai plus d’appréhension à le formuler. Ça existe des danseurs qui dansent. Danser veut dire communiquer (par la danse). Ça se voit d’autant plus dans le cas de Vladimir le Russe qu’il fait tout très, très bien, sauf quand il danse (ce n’est pas adressé). Il danse parce qu’il est danseur. Danseurs, laissez tomber la danse, svp ! Si vous savez faire autre chose (comme Vladimir), faites autre chose, si vous ne savez rien faire, je conçois que ce soit désolant, mais même ne rien faire serait d’une virtuosité supérieure ou égale. C’est mon cri du cœur, ce matin ! La danse, c’est tellement sublime, mais si c’est juste bouger, si c’est « le corps », bonjour les dégâts… Donc Vladimir le danseur : tout parfait, tout, sauf la danse.



J’étais tellement content d’être entré comme un poisson dans l’eau dans la proposition de Yan Duyvendak (avec Mathias Glayre, Véronique Alain, etc.) que je suis resté avec eux sous les fleurs de la glycine jusqu’à trois heures et demie sans m’en rendre compte. La « sécurité », mot similaire à la « censure » est tombé sur Montévidéo qui doit fermer pour travaux de mise aux normes et dont le festival (actOral) n’a été toléré que de justesse. Je dis que le mot est similaire parce qu’il s’agit toujours de la même opération administrative d’empêchement et d’infantilisation du public. On ne peut pas détruire sans cesse le vivant sous prétexte qu’il pourrait y avoir des morts ! Mais – comme je disais à Olivier Steiner qui me le demandait – je suis optimiste, je ne pense pas qu’on puisse faire pire que la situation dans laquelle l’art, en particulier le théâtre – et l'Occident, la civilisation se trouvent. L’époque va forcément se rouvrir. Donc la « sécurité » a eu l’idée de surbaisser le gradin de Montévidéo, c’est devenu un gradin plat, au troisième rang vous ne voyez plus rien – et l’idée de génie, ça vraiment, de Yan et son équipe (là aussi : « jalousie »), ça a été de ne jouer que dans le gradin, la scène désertée (invisible, comme je dis, mais perceptible dans ce dédain). Enfin, moi, je l’ai vue comme une idée de génie, je crois qu’ils ne l’ont pas choisie (le gradin a été changé entre deux séries de répétitions, ils avaient répété sur un gradin pentu).



Le Théâtre et la vie

Das Plateau, ça a été un couple, mon Dieu, très sexy ! Le garçon arrivait incroyablement à montrer qu’il ne pensait qu’au cul. (Au cul hétérosexuel.) Et la fille, mon Dieu, torse nu (de si beaux seins). Elle m’évoquait Kataline… Sinon « neige et disparition », ça a été le thème, ce qui n’a pu que suffire à mon bonheur. J’ai donc été très bon public. Pedro détestait et n’arrêtait pas de me dire à l’oreille des phrases que je ne comprenais pas et que je ne lui faisais pas répéter… (A la fin, il a résumé sa pensée : « Il nous faudrait un Larry Clark français ! ») C’est une fiction dans le style enregistrement-vérité, mais, en fait, tout est fabriqué (je me suis renseigné après auprès d’Erik). Moi, j’ai cru à ces tempêtes de neige, ces appels téléphoniques pendant (au moins) une bonne partie de la pièce. J’ai eu peur que la fille meurt, à la fin. Je vois très bien le mal qu'on peut en dire (Pedro) comme je vois aussi très bien par où on peut attaquer ce que Yan et son équipe ont fait, mais c’est justement ça qui me les fait aimer, de voir qu’ils avancent avec confiance et comme à découvert sans souci de l’attaque. (Sans souci apparent. Il paraît que ce sont – les deux cas, dans le travail – des stressés.) Moi, j’attaque pas et, comme je l’ai dit : j’avais envie d’aimer. Aimer, être aimé… Au théâtre, si on en aime le principe, c’est encore plus facile que dans la vie. Et d'un côté ou de l'autre de la rampe, c'est pareil.



Gérald Kurdian a été fantastique. Il a ramassé la soirée (me citant et citant Das Plateau d’un petit coup supplémentaire de fumée blanche). Je lui ai prédit qu’il allait devenir une star, mais ça pourrait lui arriver plus vite qu’il ne semble le reconnaître. Je comprends très bien, en le regardant agir d’une manière si maîtrisée, qu’il ne soit pas entré dans le stage d’Aubervilliers (on ne s’était pas revu depuis) : il a un univers riche, complexe, si maîtrisé et qu’il protège. Il a raison. Il n’a besoin de rien. Il me fait un peu penser à Tim Burton en mettant en scène sa « nervosité »… Ses chansons sont tueuses.

Et puis alors il me reste à parler de ce que j’ai fait.

Mais il est déjà onze heure dix-neuf. Je suis à Marseille. Des fleurs sont tombées dans mon assiette. Je me suis baigné au crépuscule. Je dois rendre les clés de l’appartement. Déjeuner avec Claire. Auditionner Guillaume et rencontrer Julie. Je veux profiter de Marseille, tais-toi Marseille, crie pas si fort… jusqu’au train et je serais heureux même de ne pas y trouver de place (pas réservé) pour encore rester la nuit. Même si, quand on doit partir, on doit partir. Les Marseillais ne vous gardent pas.



Ferai un vers du pur néant

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