Le Chien de Michel Houellebecq
Je ne sais pas pourquoi, il a été renoncé d’aller à la maison de campagne de Manou. On irait directement à Mexico, du coup on partirait dans l’après-midi (pour rouler de nuit, quelle importance) et on profiterait de la matinée. Mais, la matinée, c’est tempête tout azimut. Tout le monde doit rester pelotonné dans son lit… Je me demandais ce qui faisait ce bruit (depuis l’aube), des bruits de volet, mais assez légers pour ne pas m’importuner, en fait, bien sûr, les fenêtres (légères) étaient restées ouvertes (pourquoi les fermer ?) Que deviennent les oiseaux, les animaux ? Où sont les lits, les caches ? L’autre jour, le petit chien, mon préféré (de race beagle), restait enroulé sous la pluie sans penser à s’abriter. J’adore ce chien, j’ai envie de l’emmener. Il doit sentir que je l’aime bien, il vient souvent me faire coucou quand nous sommes à table (ou parce qu’une fois je lui ai donné des crevettes qu’il adore). Il est constamment à suivre sa truffe, source d’émerveillement inépuisable. On dit qu’il est bête, mais je ne le laisse pas dire. Bête ? Mais vous plaisantez ! Il ne lui manque que la parole ! C’est mon ami, mon poète… L’autre, le gris, que j’aime aussi beaucoup, il s’ennuie plus. Je le vois de temps en temps se dire : Allons, qu’est-ce que je pourrais bien faire ? Et trouver une occupation soudaine sur laquelle il se précipite. L’autre, non, une constance merveilleuse. Il continue son chemin. Il est toujours en chemin. Souvent, le gris met un temps avant de comprendre l’intérêt de le suivre. Creuser un trou dans le sable, par exemple. Et puis il s’y met, plus fort que l'autre, mais c’est un peu idiot, cyclothymique. L’autre fois, sur la plage, il y en avait un, plus grand, qui regardait ses maîtres creuser un trou dans le sable. Ah, il en pleurait presque de joie ! D’admiration. Il n’intervenait pas tellement il était ému. Quels génies, mes jeunes maîtres ! Ça, je comprends ! Il n’y a rien de plus passionnant que de creuser un trou. Un bon grand trou ! On va trouver qqch. Il va trouver qqch ! Un os. En fait, le trou était pour mettre l’ancre du bateau (je me demandais, moi aussi), une sorte de plaque de bois qui devait retenir la barque. Mais quand le chien a vu qu’on recouvrait le trou, hep, là, il a commencé à aider, à aider à creuser, z’avez rien compris ! L’adolescent l’a poussé brutalement hors du champ des opérations, cet imbécile de chien, l’a fait rouler, c’est vrai, quoi ! Je rectifie : les crevettes, c’était au gris que je les donnais. Le gris est plus bizarre, entre la hyène et le caniche, avec une fourrure de peluche (mais c'est le préféré de Gaby). Il mange les têtes de gambas. Il me fait rêver aux chiens précolombiens que Jean-Claude Carrière décrit dans son Dictionnaire amoureux du Mexique, des chiens aux pattes palmées, très bons nageurs, très bons pêcheurs, adaptés aux milieux lacustres, dont la viande, bien engraissée, était très appréciée.
Labels: mexique
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