Sunday, January 01, 2012

Le Génie de ma grand-mère




François est très intelligent. Au niveau de l’esprit. Du cerveau. Constamment à jouer sur le sens profond des phrases. Il invente des jeux de mots, d’une manière intuitive, à la seconde. François est constamment à s’entraîner pour son travail. Son travail rémunéré, c’est le dessin de presse, la bande dessinée. Alors les jeux de mots, les jeux de situation et – pour la couleur – les aquarelles, les gouaches. Je m’étonnais, pendant le long voyage d’une journée depuis Mexico (qui me rappelait celui d’India Song, de Calcutta dans le delta du Gange, les îles), je m’étonnais de voir constamment du linge qui séchait, était-ce jour de lessive ? tout ce linge qui sèche. François entendait : « singe qui lèche ». Un arbre avec des épines sur le tronc, François entendait : « des étrons sur la pine ». J’en passe et des meilleures. Ce sont des contrepèteries. L’album de la comtesse. Je crois que c’est François qui a d’ailleurs rappelé que Freud (était-ce Freud ?) considérait le jeu de mot comme un « pet de l’esprit »… Une partie de l’équipe faisait tout à l’heure du wakeboard et Etienne Chamzrxzbaud qui est un artiste à la mode était souvent à l’eau. « Chamzrxzbaud est à l’eau ce que la margarine est à l’huile. » Cela ne voulait rien dire, mais c’était bien plaisant. Comme je sortais mon carnet, François me souffla une variation : « Chamzrxzbaud est à l’eau ce que la sardine est à l’huile. » (Mais comme toujours la première version est la bonne.) Etienne Chamzrxzbaud est un artiste très à la mode, c’est ainsi qu’il a été présenté (à plusieurs reprises), en tout cas. Il expose partout dans le monde. Conceptuel. Il est assez gras. Cent trois kilos. Mais, l’année dernière, il était comme moi. C’est d’avoir arrêté la coke. Il était chez sa grand-mère, il a pris trente kilos en trois jours. « C’est qui qui est derrière, maintenant ? » On regardait toujours le wakeboard de la terrasse de l’hôtel. « Margarine. » Il faut faire gaffe. Margarine, ça pourrait lui rester. Ce serait horrible. Ça pourrait arriver. Je racontais que ma grand-mère (bretonne, du côté de ma mère) donnait des surnoms qui restaient pour toujours. L’un, par exemple, qui tenait la Maison de la Presse dans le village : « Chlorophylle » – parce qu’il avait eu un jour le malheur de se vanter d’un voyage à Paris et qu’il avait expliqué à quel point la capitale était sale et polluée, heureusement beaucoup d’arbres dispensent de la chlorophylle, chose essentielle à l’être humain. Le discours était en breton sauf pour les mots qui venaient tout entier du français étranger comme se greffer, ça m’amusait beaucoup quand j’étais petit de reconnaître, par exemple, « globules blancs » ou… mais je ne me souviens plus, non, la belle aventure de la vie n’est pas finie (loin de là), mais je ne me souviens plus. Tant d’oubli nécessaire…






Je mets des zrxz dans le nom d'Etienne parce qu'il y a eu un pataquès. Etienne est adorable, j'étais embêté. Sa galerie parisienne est tombé sur ce post et le lui a signalé, lui qui se croyait en vacances à des milliers de kilomètres. C'est-à-dire, ce qu'il m'a expliqué, mais ce que je savais, « conceptuel », il ne donne jamais d'interview, il prend bien soin de séparer sa vie privée de son œuvre qui doit parvenir pure de toute scorie au récepteur, abstraite, conceptuelle, quoi (sinon ça n'a pas de sens) – et, tout d'un coup voilà qu'une blogueuse... Il m'a aussi précisé qu'il n'avait pas pris trente kilos en trois jours chez sa grand-mère, que personne ne le peut – oui, mais alors, ça, c'est le téléphone arabe dans les groupes, tout est déformé, amplifié, déformé comme véridique, c'est la vie, c'est le téléphone portable (celui de Gaby qu'on supposait parti dans le sac de la bonne de Régina), c'est le téléphone arabe...

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