La Pureté et l’innocence
« La lueur timide et
fugitive, l’instant-éclair, le silence, les signes évasifs – c’est sous cette
forme que choisissent de se faire reconnaître les choses les plus importantes
de la vie. Il n’est pas facile de surprendre la lueur infiniment douteuse ni
d’en comprendre le sens. Cette lueur est la lumière clignotante de
l’entrevision dans laquelle le méconnu soudainement se reconnaît. Plus
impalpable que le dernier soupir de Mélisande, la lueur mystérieuse ressemble à
un souffle léger. Il faut une oreille très attentive pour percevoir
l’imperceptible chuchotement, pour entendre l’inaudible pianissimo, pour
comprendre le doux et subtil murmure où le premier livre des Rois disait que
Dieu annonce au prophète Elie sa présence. Et il faut de même une lucidité
suraiguë et une célérité sans défaillance pour surprendre la petite étincelle,
l’élément différentiel, la diaphora infinitésimale qui apparaît et disparaît
dans la fulguration de l’instant. L’homme qui a reconnu, fut-ce une seule
fois dans sa vie, fut-ce le temps d’un éclair, la pureté et l’innocence
longtemps méconnue, pourra dire lui aussi : j’ai soupé hier soir à
l’auberge avec un voyageur inconnu. Il avait je ne sais quoi de lointain dans
le regard ; son visage était doux et fatigué ; sur ses sandales on
voyait encore la poussière des chemins. Et cet inconnu était un dieu. Et cet
inconnu était Dieu. »
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