Tuesday, July 24, 2012

La Pureté et l’innocence


« La lueur timide et fugitive, l’instant-éclair, le silence, les signes évasifs – c’est sous cette forme que choisissent de se faire reconnaître les choses les plus importantes de la vie. Il n’est pas facile de surprendre la lueur infiniment douteuse ni d’en comprendre le sens. Cette lueur est la lumière clignotante de l’entrevision dans laquelle le méconnu soudainement se reconnaît. Plus impalpable que le dernier soupir de Mélisande, la lueur mystérieuse ressemble à un souffle léger. Il faut une oreille très attentive pour percevoir l’imperceptible chuchotement, pour entendre l’inaudible pianissimo, pour comprendre le doux et subtil murmure où le premier livre des Rois disait que Dieu annonce au prophète Elie sa présence. Et il faut de même une lucidité suraiguë et une célérité sans défaillance pour surprendre la petite étincelle, l’élément différentiel, la diaphora infinitésimale qui apparaît et disparaît dans la fulguration de l’instant. L’homme qui a reconnu, fut-ce une seule fois dans sa vie, fut-ce le temps d’un éclair, la pureté et l’innocence longtemps méconnue, pourra dire lui aussi : j’ai soupé hier soir à l’auberge avec un voyageur inconnu. Il avait je ne sais quoi de lointain dans le regard ; son visage était doux et fatigué ; sur ses sandales on voyait encore la poussière des chemins. Et cet inconnu était un dieu. Et cet inconnu était Dieu. » 

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