Soupe de Bébé
« Il ne faut pas
chercher à comprendre, il faut perdre connaissance. » Mon Toto ! (citant
Claudel). Ai-je dit que je l’appelais aussi Toto ? Baptiste, Bébé, Toto,
c’est pareil. La Trinité. C’est Nathalie Kousnetzoff qui a lancé cette mode des
surnoms – au passage, elle ne veut plus qu’on l’appelle Konche –. Donc Toto
s’habille bien. C’est facile avec le corps parfait. LE CORPS PARFAIT. Ce matin,
par exemple, il était en Galliano (grande époque). Une jupe, une veste de
militaire et un chapeau invraisemblable trouvé dans une malle semblait créé sur
lui. Mais il n’y a pas de photo de Bébé ce matin. Car Bébé veut être le
meilleur sinon rien. Et, depuis quelques jours, c’est plus souvent rien. Ah,
là, là… Bébé est parfait, mais Bébé s’énerve à être parfait. Entre parfait et
rien, il peut encore choisir. Rien. Il hésite. Il aurait voulu plonger dans la
piscine sans que ça le mouille. Peut-être. Je comprends pas tout. J’analyse
pas. Je lui ai dit qu’il lui fallait plus d’éthique, acquérir le sens moral.
« J’en ai de l’éthique. Je sais ce que c’est que l’éthique, je connais
l’éthique ! » On a vite renoncé de parler de ça parce que les tiques,
justement, c’est ce qui nous inquiète un peu ici. On s’inspecte à plusieurs
dans tous les recoins surtout les plus poilus en famille. « La mer la mer
cramoisie quelquefois comme du feu », Leïla dit Molly Bloom, les dernières
phrases – enfin, il n’y a pas de ponctuation. Leïla a aussi apporté les dernières
lignes de Tombeau pour cinq cent mille soldats, lui aussi, texte proposé à Gallimard sans
ponctuation, sans paragraphe (à l’origine). Je l’ai déjà posté sur ce blog
(« Les dieux ignorent la beauté, la distance, l’absence »). Chloé m’a
dit : « Que c’est beau, ton blog ! – Ah, darling, s’il te plaît,
ne lis pas mon blog… – Mais tu l’as envoyé… » Elle croyait que ce texte
était de moi. « Ah, d’accord, je me disais que tu était vraiment un
génie… » Ça, c’est sûr ! Voilà une fille qui pourrait être au comité
de lecture, elle ne laisserait pas passer Pierre Guyotat ! Yuval redit ce
très beau texte, qu’il a écrit : « Je ne suis pas un auteur je
reprendre le monde que j’ai enfanté (…) mes acteurs raccrochent leur visage au
clou de la garde-robe (…) je suis l’auteur et je me réfère sur mes propres
abysses je me retire dans mes écrits dans mes intestins (…) et je serai addict
à mes plaies (…) je suis celui qui regarde en arrière (…) quelque part les
corps s’empilent. » J’ai pris au vol. L’expression « grand public »
lui rappelle la chanson de Brassens qu’il fredonne : « …grand public,
grand public… » Il dit « le fille de la père » ou « le
copine de la père » et il est déçu quand il s’aperçoit qu’on ne l’a pas
corrigé. Il dit aussi « petits poils » pour « petits pois »
et il répond à Sara qui dit : « Je peux vivre sans lui aussi. – L’île Saint-Louis ? – Vivre sans lui. – Là, il y a les meilleures
glaces… » Il prononce aussi tout d’un coup en anglais le poème Fire and
Ice, de Robert Frost. « Some say
the world will end in fire,
/ Some say in ice.
/ From what I've tasted of
desire
/ I hold with those who favor fire. /
But if it had to perish twice,
/ I
think I know enough of hate
/ To say that for destruction ice
/ Is also great
/
And would suffice. » Il est étonné car il ne l’avait pas prononcé
depuis onze ans, il ne savait pas qu’IL LE SAVAIT.
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