Désert de Bébé
Agatha Christie, dans un
livre que j’ai trouvé ici, Passager pour Francfort, s’adresse au lecteur dans une petite introduction
avec la désinvolture de Françoise Sagan, le même bonheur de « je sais
à qui je m’adresse » auquel je joue moi-même souvent (avec forcément plus
d’amertume…) Une phrase drôle dans « Le Figaro Magazine » :
« Venise, on la connaît ou on croit la connaître, on y est venu en voyage
d’amour ou de découverte. Mais on a toujours envie d’y revenir, d’explorer
encore et encore tout ce que les snobs (ou les envieux) appellent
« clichés », mais qui sont des marqueurs de mémoire. »
« Marqueurs de mémoire », c'est trop drôle ! Juste après
« snob », en plus. Vraiment, il y en a qui s’amuse ! Peut-être
que j’ai choisi ce titre parmi beaucoup d'autres à cause de Falk Richter dont
j’ai lu le texte très triste plusieurs fois ce matin. Au bout de quelques
pages, il y a une citation de Chesterton : « Je
voudrais aimer la Race humaine, / Je voudrais aimer son stupide visage. »
Je crains de devoir le dire : je m’aperçois que Bébé ne me manque pas.
Non, ce que j’ai vécu d’histoire d’amour a toujours été – profondément – avec
des femmes. Le reste du temps, c’est l’amitié et qu'on me fiche la paix ! Je ne me suis jamais disputé avec un garçon comme
Falk et Arnaud le font. Il faut, pour moi, une opération mentale pour imaginer… Malheureusement, avec des filles... Oui, à Venise, la dernière
fois… terrible… Un oiseau hésite à entrer ici, avec un petit cri épouvanté
quand il me voit… Allons ! Aucun de mes amis ne me manque quand j’ai des livres.
Je viens de trouver aussi des Selected Poem de Keats, en bilingue. Il dit – dans un Hymn to
sorrow (un chagrin qu’il féminise,
lui aussi) :
« To sorrow,
I bade good-morrow,
And thought to leave her far
away behind ;
But cheerly, cheerly,
She loves me dearly ;
She is so constant to me, and
so kind :
I would deceive her,
And so leave her,
But ah ! she is so
constant and so kind. »
Des oiseaux extrêmement beaux
sont tout près de ma fenêtre. Le corps est jaune-orangé, pas les ailes comme
gantées… Ils disent beaucoup de choses… Qu’est-ce qu’il se passe ? Je
n’ose bouger et laisse entrer les insectes, les mirages… Oh, c'est magnifique ! C’est des petits oiseaux de proies (je cherche le mot féminin), tachetés sous
le dessous. Qu’est-ce qu’il veut, ce couple ? Ils geignent quand ils
passent près de ma fenêtre… (Pour les voir, je m’étais caché derrière l’autre
fenêtre.) Mais, mes bébés, je suis avec vous… Quelle est votre histoire ?
Voyageurs de toutes les dimensions… Falk, Arnaud, je vous
souhaite dans votre vie « amour
insouciant » comme il est dit dans ce poème :
« WHEN I HAVE FEARS
When I have fears that I may
cease to be
Before my pen has glean’d my
teeming brain,
Before high piled books, in
charact’ry,
Hold like rich garners the
full-ripen’d grain ;
When I behold, upon the
night’s starr’d face,
Huge cloudy symbols of a high
romance
And think that I may never
live to trace
Their shadows, with the magic
hand of chance ;
And when I feel, fair
creature of an hour !
That I shall never look upon
thee more,
Never have relish in the
faery power
Of unreflecting love ! –
then on the shore
Of the wide world I stand
alone, and think
Till Love and Fame to
nothingness to sink. »
Et Chesterton :
« Delight bordering on the edges of nightmare ».
Labels: château
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