Wednesday, October 03, 2012

Publié de la gare de Toulouse



C’est difficile d’écrire quand on est persuadé – de façon criante – qu’il n’y a qu’un sujet. Le bonheur. Ou la célébration du bonheur. Alors, comment écrire ? J’ai pris le prétexte de Bébé. « Bébé » est bien, mais, enfin, on ne peut pas écrire un livre intitulé Bébé, publié par Liliane Giraudon dans la maison d’édition de son fils, Marc-Antoine, sponsorisée par Pierre Bergé ! Ça n’aurait pas de sens... Vilain Pierre Bergé ! Après le mal qu’il a fait à Saint Laurent... (Je l’ai lu dans la biographie de Marie-Dominique Lelièvre.) Non, ça n’aurait pas de sens de parler du bonheur de cette manière. Il faut être plus habile. L’habileté, voilà tout.






Celle qui est montée à Montpellier corrige des copies de psycho intitulées : « Les méthodes d’étude du Bébé permettant de mettre à jour des compétences précoces ». JE N’INVENTE RIEN.
Je suis bien dans ce train inconnu qui traverse une France inconnue. Arles, Nîmes, Montpellier… vers Toulouse.

« Les attentes du Bébé quant aux visages humains se développent plus tôt que les attentes du Bébé quant aux corps humains. » JE N’INVENTE RIEN. La psychologie de Bébé. Je n’ai qu’à recopier. Vive le plagiat ! Vive le plagiat universitaire ! (J’ai lu un article là-dessus dans les toilettes de chez Erik.)

Benoît traînait à Marseille. Difficile de parler encore de Benoît… Mais j’ai promis de raconter l’histoire de sa mère (je ne crois pas l’avoir fait). Elle habite Lons-le-Saunier et il y a un petit chemin qui la relie à la ville, un petit chemin qu’elle – dit-elle – ne veut plus emprunter parce qu’elle a peur des pédophiles. « Voilà ce que Sarkozy a réussi à leur mettre dans la tête ! », dit Benoît. Sa mère a soixante-seize ans et, quand je racontais cette histoire à la mienne, je me suis aperçu qu’elle avait aussi soixante-seize ans. Leonard Cohen a soixante-dix-huit ans.
J’ai rencontré une lectrice. Une assidue. Véronique Alain. C’est reposant car je n’ai rien à expliquer. Elle voit très bien qui est Benoît (qu’elle distingue très bien de Bébé), les présentations sont faites. Elle était à Vienne, me dit-elle, et elle lisait mon blog. « Si je t’écris ce soir de Vienne, Vienne, c’est qu’il faut que tu viennes… (…) Que c’est beau, Vienne, avec toi ! » Nous voilà à Sète.

Véronique Alain a joué Gertrude dans le procès d’Hamlet (spectacle intitulé : Please continue (Hamlet)), de Yan Duyvendak. Un spectacle passionnant, et ennuyeux aussi, mais d’une manière heureuse. C’est ennuyeux parce que ça frôle le réel – c’est une bonne raison . Dans un vrai palais de justice, une vraie salle d’audience (avec une vraie mauvaise acoustique et les vrais camions-poubelles qui passent dans la rue), de « vrais » juges, avocats, experts... instruisent le procès d’Hamlet (un Hamlet de banlieue marseillaise) pour l’assassinat de Polonius, le père, comme vous savez, de sa copine Ophélie, qu’il prétend avoir pris pour un rat. Seuls Hamlet, Gertrude et Ophélie sont des acteurs. Les autres improvisent leur propre rôle et voilà pourquoi c’est ennuyeux et passionnant. Le juge, les avocats changent tous les soirs. Ils suivent le même dossier d’instruction. Les jurés sont appelés parmi les gens de la salle. Hamlet est acquitté ou condamné – peines variables – selon les soirs. Une bonne idée !

Ce spectacle  m’a rappelé un autre de mes spectacles fétiches, Palais de justice, de Jean-Pierre Vincent, qui reconstituait de manière hyperréaliste une journée d’audience du palais de justice de Strasbourg. J’avais vu plusieurs fois ce spectacle et j’étais allé ensuite, à Lyon, voir des vraies audiences. Je me promets – aujourd’hui – d’aller le faire de nouveau. Seul bémol : c’est abyssal.






On me fout la paix – et le monde devient libre et vide. J’ai laissé Bébé à la maison. Seul compte de laisser quelqu’un quelque part. Et puis les plantes et les animaux disent un mot. Bébé m’envoie une photo d’une page de Pierre Guyotat, il lit Coma. Pierre Guyotat parle d’un marchand colporteur s’installant en Forez, au XVIème siècle. Jusqu’à quand cet attachement à ce qu’il s’est passé ? Chacun a sa stratégie. Moi, je voyage et on me fout la paix. Les photos sont très belles.






La disponibilité aux gens. Il ne se passera rien. Juste acheter un café, un magazine. Mais l’échange peut-être aussi gratifiant qu’avec Bébé. Cela parce que j’ai confiance en Bébé.
Routes de platanes aperçues. Routes de platanes qui longent. Muettes, rapides. Rapides comme les yeux. Aussitôt apparues, disparues.
« Le Monde », son papier réel, son bruit. « Looked through the paper / Makes you wanna cry. » Pas toujours. Non. Jour. Je pense à mes amis. A mon ami si cher, Erik. J’ai vu sa copine, ce matin. L’Ethiopienne.  Narbonne, Carcassonne…






Et puis ce que j’attendais est arrivé. Dans « Le Monde » trouvé abandonné, une photo de la nouvelle collection d’Hedi Slimane pour Saint Laurent. C’est somptueux. C’est décidé, je deviens femme et je m’habille ainsi pour le voyage – dans les bras de Bébé. Mon homme, mon enfant, mon lapin / chasseur. Sud de la France, nuit prochaine dans un château. On écrit français, on est heureux. C’est beau ! C’est soutenu par Pierre Bergé. Je vais revoir ma copie. A-la-gloire-de-Pierre-Bergé ! Avec Bébé dans le rôle-titre. Titre du livre : Bébé. Heu-reux !






« Les robes sahariennes en veau velours, les smoking et tailleurs pantalons noirs portés avec une chemise blanche à cravate foulard noire et les longues robes de mousseline signalent du pur Saint Laurent. On y retrouve l’esprit de la ligne Rive gauche, créée en 1966, qui a lancé le prêt-à-porter de luxe. Mais Hedi Slimane y mêle son propre vocabulaire. Les proportions des vêtements sont recalibrées ; les blousons de cuir, longues jupes de peau cloutée, les grappes de bijoux dorés insufflent une énergie rock chère au nouveau designer. »






« Un dépassement de la contenance interne » sont les mots de l’expert psychiatre pour expliquer le comportement d’Hamlet ou son non comportement. Ces mots, ils les prononcent plusieurs fois. Je les trouve beaux, moi aussi, ces mots.

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