Un très, très beau poème d’Eluard publié par Pierre
Notre mouvement
Nous vivons dans l'oubli de
nos métamorphoses
Le jour est paresseux mais la
nuit est active
Un bol d'air à midi la nuit
le filtre et l'use
La nuit ne laisse pas de
poussière sur nous
Mais cet écho qui roule tout
le long du jour
Cet écho hors du temps
d'angoisse ou de caresses
Cet enchaînement brut des
mondes insipides
Et des mondes sensibles son
soleil est double
Sommes-nous près ou loin de
notre conscience
Où sont nos bornes nos
racines notre but
Le long plaisir pourtant de
nos métamorphoses
Squelettes s'animant dans les
murs pourrissants
Les rendez-vous donnés aux
formes insensées
A la chair ingénieuse aux
aveugles voyants
Les rendez-vous donnés par la
face au profil
Par la souffrance à la santé
par la lumière
A la forêt par la montagne à
la vallée
Par la mine à la fleur par la
perle au soleil
Nous sommes corps à corps
nous sommes terre à terre
Nous naissons de partout nous
sommes sans limites
Je parle à Pierre de ce dont
je parle toujours (et que Paul Auster dit très bien, je crois, dans The
Invention of Solitude que je viens
d’acheter), que n’importe quel livre, même le plus crowded a pour sujet principal la solitude parce qu’il
s’agit de la solitude de celui qui écrit – solitude aussi de celui qui lit… et
blablabla et, d’ailleurs, si j’écoutais ce blablabla, je pourrais déceler
moi-même ce que me dit à présent Pierre : que le thème de l’écriture,
c’est aussi l’amour (j’aurais pu le déceler parce qu’il y a en effet deux solitudes qui se rencontrent). Et aussi, dit
Pierre : « Retrouver l’amour, la possibilité de l’amour. Parce
que l’amour est une chose rare et, le thème de la littérature, c’est de le
retrouver. » Je lui dis qu’en effet, lui, son écriture, c’est ça – ça aussi, je
n’ai jamais cessé de le dire – Bénédicte Le Lamer disait qu’il proposait
« un état amoureux du monde ». Il dit qu’il ne le fait pas
consciemment, d’ailleurs. Je lui dis : « Non, c’est vrai, tu ne
cherches pas à le faire, c’est toi. » (« Si on me presse de dire pourquoi
je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer. » Et Michel de Montaigne
ajoute en marge sur la première édition du livre : « parce que
c’était lui ». Puis il ajoute encore, mais plus tard, à une autre
relecture : « parce que c’était moi ».)
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