Sunday, November 04, 2012

Un très, très beau poème d’Eluard publié par Pierre



Notre mouvement

Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses

Le jour est paresseux mais la nuit est active

Un bol d'air à midi la nuit le filtre et l'use

La nuit ne laisse pas de poussière sur nous



Mais cet écho qui roule tout le long du jour

Cet écho hors du temps d'angoisse ou de caresses

Cet enchaînement brut des mondes insipides

Et des mondes sensibles son soleil est double
Sommes-nous près ou loin de notre conscience

Où sont nos bornes nos racines notre but
Le long plaisir pourtant de nos métamorphoses

Squelettes s'animant dans les murs pourrissants

Les rendez-vous donnés aux formes insensées

A la chair ingénieuse aux aveugles voyants



Les rendez-vous donnés par la face au profil

Par la souffrance à la santé par la lumière

A la forêt par la montagne à la vallée

Par la mine à la fleur par la perle au soleil



Nous sommes corps à corps nous sommes terre à terre

Nous naissons de partout nous sommes sans limites







Je parle à Pierre de ce dont je parle toujours (et que Paul Auster dit très bien, je crois, dans The Invention of Solitude que je viens d’acheter), que n’importe quel livre, même le plus crowded a pour sujet principal la solitude parce qu’il s’agit de la solitude de celui qui écrit – solitude aussi de celui qui lit… et blablabla et, d’ailleurs, si j’écoutais ce blablabla, je pourrais déceler moi-même ce que me dit à présent Pierre : que le thème de l’écriture, c’est aussi l’amour (j’aurais pu le déceler parce qu’il y a en effet deux solitudes qui se rencontrent). Et aussi, dit Pierre : « Retrouver l’amour, la possibilité de l’amour. Parce que l’amour est une chose rare et, le thème de la littérature, c’est de le retrouver. » Je lui dis qu’en effet, lui, son écriture, c’est ça – ça aussi, je n’ai jamais cessé de le dire – Bénédicte Le Lamer disait qu’il proposait « un état amoureux du monde ». Il dit qu’il ne le fait pas consciemment, d’ailleurs. Je lui dis : « Non, c’est vrai, tu ne cherches pas à le faire, c’est toi. » (« Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne peut s’exprimer. » Et Michel de Montaigne ajoute en marge sur la première édition du livre : « parce que c’était lui ». Puis il ajoute encore, mais plus tard, à une autre relecture : « parce que c’était moi ».) 

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