Saturday, December 22, 2012

Le seul visage



Revu Au hasard Balthazar que je connaissais presque par cœur, que j’avais tant vu à l’époque d’une rétrospective des films de Robert Bresson, mais je ne me souvenais pas qu’il était si noir — quelle dépression ! C’est épouvantable. L’horreur.

Je vais sortir en ville — en vie déméritée...

C’est curieux, pourquoi montrer le mal ? Comme si nous n’étions pas au courant...

Godard dit de lui que c’est un « grand inquisiteur », c’est assez juste. « Quelqu’un qui, quel que soit le risque ou même la violence des choses va jusqu’au fond des hommes. Et il se trouve que cet inquisiteur est, disons, moins dangereux qu’un des inquisiteurs dans d’autres formes, en politique ou en religion, parce que cet inquisiteur se sert d’un moyen qui est le cinéma et, le cinéma, par définition puisqu’il filme la vie et les hommes, est humaniste, par définition. Donc Bresson a à la fois cette chance et ce privilège extraordinaire d’être à la fois un inquisiteur et un humaniste. Je crois que ça se ressent très bien dans Au hasard Baltazar qui est vraiment un film à la fois terrible sur le monde et sur le mal dans le monde et, en même temps, on ressent tout ça avec une espèce de douceur évangélique, enfin, qui, pour moi, est extraordinaire » et que je n’ai pas ressentie ce soir, j’ai été épouvanté de ce que je voyais. Dans cette vidéo de l’INA, je remarque que Jean-Luc Godard dit qqch et que Marguerite Duras, plus durassienne que jamais, ne dit rien. Elle ne dit rien, mais musicalement absolument.

Je pense que le mal fait sa publicité à soi-même.

Aujourd’hui, encore hanté par ce film magnifique, j’ai écrit dans mon carnet (vers le zoo, je me souviens) : « Les personnages sont réduits au mal. » 

Il y a un plan, une exception qui m’a toujours frappé — car ce film est faux de bout en bout, ce n’est que du faux (bien sûr), mais il y a un plan où on voit un visage « vrai ». C’est une femme, à la fontaine, qui donne à boire à son âne à elle, quelques secondes, et ce visage m’a toujours paru sorti du film, comme volé à la vraie vie. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs : il n’est pas saisi par le film. Du coup, on sent le soleil, etc. C’est ce visage qui me rassure. C’est ce seul visage qui montre que la vie n’est pas sordide, mais ensoleillée.

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