Thursday, February 14, 2013

Etranger auprès de son propre rivage



« Le temp dans lequel vit même celui qui n’a pas de demeure devient un palais pour le voyageur qui n’en a laissé aucune derrière lui. (...) Des mouettes et des villes, des fleurs, des meubles et des statues apparurent sur leurs murs et, jour et nuit, de leurs fenêtres tombait de la lumière. »

Toujours ces voyages à l’intérieur de soi. C’est étrange. C’est comme un besoin, comme on dit, se ressourcer, oui, bien sûr, c’est peut-être que l’on n’a pas tellement le choix, mais c’est toujours vers l’intérieur de soi — comme si l’effort à aller au-dehors était trop grand, l’effort de « voir », comme dit Henry Matisse, de voir — mais comme c’est difficile — comme pour la première fois
Je suis allé à Orléans. Mais, Orléans, c’est moi, c’est à l’intérieur de moi. Je n’ai pas vu autant que j’aurais voulu pour la première fois. J’ai vu des mouettes et des canards, quelques enfants. J’ai vu des jeunes gens très beaux, des gens de province, un charme invincible. Beaucoup de gens dans la rue m’ont dévisagé, mais qui n’étaient ni jeunes ni beaux. Comme le visage d’une ville peut changer du tout au tout !... en quelques secondes, un fascisme, une vulgarité dans le regard ou au contraire, un sourire, une bienveillance. Il semblerait que tout échappe aux hommes et aux femmes, la bienveillance leur échappe aussi bien que la violence. Qu’est-ce que je recopie ? « « Toute société est fondée sur un crime commis en commun », écrit Freud. » Je suis descendu vers la Loire. La Loire. Il y a un peintre qui l’a beaucoup peinte, c’est Olivier Debré. Je pense toujours à lui quand je descends vers la Loire, à Orléans. J’ai aussi pensé à Vincent Dissez, je ne sais pas, j’avais le souvenir d’avoir fait avec lui la même promenade, je ne sais pas en quelles circonstances... je ne sais pas, j’ai peut-être rêvé, il y avait un héron... Et puis j’ai revu la pièce de Claude Régy, là aussi pour me retrouver chez moi, me retrouver en moi-même, ce mystère : sa propre vie, sa propre existence. Quel dommage de ne pas toujours pouvoir vivre tourné vers le dehors ! Mais le dehors qui est la Loire (si rapide, si violente), c’est encore le dedans ! Je me disais que c’était vraiment le fleuve — et la saison — pour s’y noyer. Mais une vedette — ou comment dire ? — de patrouillage, me surveillait, moi, même anodin sur la berge. En ville aussi, une voiture de police patrouillait au ralentit et m’observait, il n’y a pas d’autre mot. J’étais heureux d’avoir l’air normal. Il suffit de si peu. Le soir, la pièce parlait de noyade aussi. Les sensations de l’intérieur de l’eau. Comme la pièce de Stanislas Nordey parlait du feu, de l’intérieur du feu. Je me disais : non, ces 2 pièces ne sont pas du tout éloignées : elles recueillent des sensations extrêmes — le film de l’eau, le film du feu —, c’était 2 écritures qui, par la grâce du théâtre, faisaient voir les images, ressentir les choses. En rentrant, je croisais, à la gare d’Austerlitz, les skieurs qui partaient dans les Alpes par le train de nuit. 
Oh, faites que la vie s’ouvre encore pour moi ! Car la neige et le feu et l’eau, je veux encore les connaître, ces sensations d’enfance, comme pour la première fois !



« C’est l’égarement près des miroirs qui est en route. »

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