Tuesday, February 12, 2013

Intimacy


Je me demande un peu ce dont parle les gens. Ce que j’ai vécu, personne n’en parle jamais. L’intimité. Ce que j’ai vraiment vécu. Il est possible que, si personne n’en parle jamais, cela veuille dire que, moi non plus, je ne serais pas capable d’en parler. Peut-être. Il est possible que chacun ressente les choses de la même façon, que ce dont il est fait, intimement, personne n’en parle jamais. 

« L’allégresse est, dans tous les cas, un sentiment peu avouable : un sentiment irraisonné dont il est impossible de révéler à quiconque la teneur, pour l’ignorer soi-même. Aucune raison solide ne saurait établir l’avantage à ce qu’il y ait de l’être plutôt que rien ; pas même le principe du meilleur, énoncé par Leibniz qui subordonne ses raisons à un avantage en être, tout comme Spinoza à un avantage en puissance d’agir, mais ne s’interroge pas sur les avantages de cet avantage même. C’est pourquoi l’allégresse, et l’amour de la vie qu’elle implique, est un sentiment toujours plus ou moins secret : bonheur dont on ne fera jamais part à personne puisqu’on est hors d’état de le faire figurer à ses propres yeux. S’il est un mystère, c’est-à-dire une chose dont on connait l’existence mais aussi, selon l’étymologie, devant laquelle on reste myope parce qu’elle demeure elle-même fermée, soustraite ainsi à toute possibilité de divulgation, c’est bien la nature de sa propre allégresse, la façon qu’on a, différente probablement de toute autre, c’est-à-dire idiote, d’être épris du réel : lieu du seul quant à soi intraduisible et indivulgable. »

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