Sunday, April 14, 2013

Je prends le pain sur la table


« Quand on écrit, si vous voulez, on est cette absence permanente à l’autre qui dure pratiquement le temps que dure la vie, le temps que dure l’écriture. (...) C’est un dédoublement, c’est l’équivalent d’un déplacement de soi. J’en parle mal, je peux pas en parler bien parce que je pense à l’ambiguité fondamentale de l’écrit qui se reporte sur l’écrivant, si vous voulez qui doit être l’ambiguité fondamentale d’écrire. Cette personne qui est entière, qui voit et qui entend et qui parle a besoin de ne plus parler, d’être aveugle, de se boucher les yeux, de se boucher les oreilles pour retrouver ce qu’elle a vécu — pour en écrire. Sans ça, si dans la littéralité des faits, il n’y a pas d’écriture, il n’y a : rien. Le fait littéral est un fait dépeuplé de la personne. Je prends le pain sur la table, je donne du pain à l’enfant, c’est : du pain a été pris sur la table. Quelqu’un était là qui a fait le geste. Ça, c’est l’état non écrit des faits qui a été d’ailleurs exploité comme écriture, mais qui n’est pas à proprement l’écriture. Parce que n’est pas une instance intérieure. (...) J’écris avec aussi bien Rousseau, Pascal, c’est ça, les autres. Et puis sans doute ceux qui ont écrit avant, avant l’écriture. Ceux qui ont subit cet attrait décisif du dédoublement. Ce que j’ai appelé d’ailleurs dans une interview qui a été faite par des surréalistes : « l’ombre interne », l’ombre portée par les faits, à partir de quoi on écrit. » 

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