La Confession (d’un enfant du siècle)
Tous les soirs pendant, mettons trois ans, mettons de 8 à 11 ans — ou de 9 à 12 ans —, le gamin allait dans sa chambre pour un rendez-vous : disons à 9h tous les soirs, un homme se branlait devant lui dans l’appartement en face. L’enfant regardait ça. Ça avait duré pendant 3 ans. L’homme lui demandait souvent, par des signes, de le rejoindre. D’abord le gosse n’avait rien fait, regardait simplement, puis il avait commencé à se branler aussi quand l’âge était venu. L’homme était très laid, gros, ventripotent, chauve. Une fois, cet homme avait baisé avec un autre devant lui. Voilà comment ç’avait été la fin : il avait fini par descendre — ç’avait été la fin : en rentrant chez lui, il avait fermé les rideaux et ne les avaient plus jamais rouverts. Une fois, donc, il était descendu pour rejoindre cet homme qui le lui demandait avec tant d’insistance depuis tant d’années. Il y était allé la corde au cou, la mort dans l’âme (il fallait bien en finir). L’homme l’attendait en bas de son immeuble et s’était jeté sur lui dans l’ascenseur. Là-haut, l’homme s’était mis à 4 pattes et avait demandé au gamin de l’enculer. Le pauvre garçon avait joui tout de suite et avait ressorti un sexe plein de merde : ç’avait été sa première expérience. En arrivant dans l’appartement, le gamin s’était surpris à dire, dans un souffle, mais la voix claire : « C’est 50 fr ». Au retour, il avait découpé au cutter une partie du livre qu’il était en train de lire pour y placer le billet de banque. Il a toujours gardé ce livre rempli de ce billet de 50 fr, de la belle tête de Saint-Exupéry. Le livre s’appelle L’Effroi dans le placard et fait partie de la collection « Chair de poule ». Dans les transports en commun, il palpait le sexe, enfin, le paquet, comment dit-on ? des vieux messieurs qui lui apparaissaient du profil recherché (celui de pédophile). Il ne s’était jamais trompé d’ailleurs : parfois il ne se passait rien, mais il n’avait jamais été rabroué. Parfois, il en amenait un dans le local à poubelle en bas de son immeuble et le vieux monsieur se retrouvait à genoux à sucer son petit sexe d’enfant. Il ne faisait ou ne demandait rien d’autre, il voulait juste se faire sucer (c’était lui qui dirigeait les opérations). Une fois, sa mère étant sortie, il en avait fait monté un dans l’appartement ; c’était prendre beaucoup de risque. Et, en effet, sa mère avait oublié qqch et lui avait soudain téléphoné de l’interphone de descendre l’objet en question. Il avait eu le temps d’évacuer le vieux monsieur, mais sa mère, restée en bas, s’était rendu compte de son bouleversement. Il avait baisé ses petites cousines aussi. Il y en avait 4, il en avait baisé 3. La dernière, cette idiote, s’était plainte, il n’était jamais parvenu à la totalité. Ç’avait été le début de la fin de sa sexualité d’enfant. Son père lui avait fait écrire des lettres de demande de pardon et de reconnaissance de faute. Il avait prévenu tout le monde, il avait fallu parler avec sa mère, sa grand-mère, etc. Et son père avait exigé, pendant les vacances, qu’il fasse chambre à part tandis que ses nombreux cousins et cousines dormaient ensemble et lui demandaient comment ça se faisait. Et puis on l’avait mis chez une psy. Toujours est-il que ça avait marché et que l’adolescence avait été calme, bien plus calme, rien à voir : il était guéri. Théodora se souvient des questions et des suggestions insidieuses de la psy. Il savait toujours où elle voulait en venir. Alors il l’égarait par des réponses naïves, innocentes ou provocantes, mais pas de la façon qu’elle attendait. Toujours est-il que ça avait marché, qu’après une enfance dévergondée, il s’était guéri à l’adolescence. Il y avait même une période où il avait baisé toutes les filles du 15ème. C’était dans le 15ème — ou dans le 9ème. C’était jamais la bonne, il les essayait toutes. Il voulait se convaincre de sa non-homosexualité. Mais c’était jamais la bonne. Toujours de leur faute. Mais cette région de l’âme est si morale, n’est-ce pas ? Pas de quoi fouetter un chat. Quand il revoit ses cousines, dans des réunions de famille, l’une de celles qui ne s’étaient pas plainte fait toujours allusion, devant tout le monde, à ces événements. Devant tout le monde, mais des allusions que lui seul peut comprendre. Cela le met dans un drôle d’état, mal à l’aise. Par exemple, elle glisse dans la conversation, l’air de rien : « Théodora qui aimait tant jouer aux lions... » (ils appelaient ça : « jouer aux lions »).
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