Sunday, May 05, 2013

Philippe voudrait travailler sur l'idée d'un folklore (moderne et archaïque). Inventer un folklore à partir de rien, avec la voix, des rythmes avec le corps ou des instruments de rien (planches, seaux...) Cette idée me plaît beaucoup. L'idée donc de travailler sans sonorisation (de manière à utiliser Les Bouffes comme l'instrument même de la représentation — comme je l'ai fait en particulier avec le spectacle dans le noir à la Ménagerie de verre (intitulé Le Dispariteur). Contradiction : nous voudrions travailler sur un hors champ de sons — comme dans ces émissions de France Musique, de Françoise Degeorges, où l'enregistrement (du chant folklorique) laisse entendre les sons de la vie, voiture qui passe, coq, cris d'enfants, etc. Il faudrait donc que les diffusions de ces « sons extérieurs » soient indécelables (elles-aussi) pour que l'environnement fictionnel  soit très réaliste. Tout à l’heure, je sortais et j’entendais, vers 7h du soir, les sons du quartiers, le hors champ fabuleux (les voix arabes...) comme à l’intérieur de la grotte du quartier, de la grotte des Bouffes du Nord. C’est ce son qu’il faudra amplifier. Le travail de la lumière devrait aussi se prévaloir du réalisme : grotte ou — au contraire — plein jour (comme une trouée dans le toit), orage et pauvreté, extérieur feu et intérieur eau (ou le contraire). Le monde intérieur du monde extérieur du monde intérieur, comme disait Peter Handke.
Sinon, Philippe, la dernière fois, voulait trouver un pitch, « une phrase dans Pariscope », disait-il, ouverte et qui donne envie aux gens de venir. Par exemple : « Philippe, il raconte sa vie. Il a 105 ans (ou 180). Voilà. Venez nombreux ! » C'est vrai qu'il faudrait écrire qqch de pas trop déprimant dans le programme (de pas trop vague pour vague), tout en ne fermant pas l'avenir. C’est très difficile pour moi de protéger la gestation d’un spectacle. Comme par hasard, pour mon spectacle le plus réussi de l’année dernière (celui qui a permis à Jean-Pierre Thibaudat de me comparer à Bob Wilson !), la protection a été massive. Il y avait deux vedettes. L’une, Jeanne Balibar, ne venait pas aux répétitions (parce qu’elle était trop fatiguée par Castorf) et l’autre, Valérie Dréville, était assidue, mais ne savait pas si elle allait pouvoir être là pour les représentations (à cause de Vassiliev) ! Du coup zéro opération de com’ par la boîte de com’ sur ces 2 noms (pas de problème pour remplir, c’était plein d’avance). Le titre du spectacle n’a d’ailleurs été trouvé qu’in extremis : Chic by Accident. Comment nommer quand on ne sait pas du tout de quoi il est question ? Ça a été mon plus beau spectacle ! (Magique.) Ici, on ne peut pas nier la présence de Philippe Katerine (comme nous n’avions pas nié celle de Jeanne Balibar, au moins sur le papier), mais il faut sans doute que cela suffise à faire titre. Nos 2 noms. Parce que, ce qui est intéressant avec Philippe (comme à chaque fois que j'ai collaboré avec quelqu'un), c'est d'aligner et d'aligner tout ce qui nous passe par la tête (en général, je prends beaucoup de notes) et de sortir finalement ce qui naturellement sort de là. Il est possible que l'histoire de lui en vieux disparaisse la semaine prochaine (c'était parce qu'il venait de voir Jean-Paul Belmondo et Jean-Pierre Marielle à « Vivement dimanche », ça lui a fait envie, AVC, Alzheimer) ; de même que l'idée du folklore, du premier rendez-vous, avait semblé s'éloigner au deuxième (il n'avait plus envie d'écrire encore des chansons, mais la première fois, si). On pourrait reprendre la formule de « Vivement dimanche », d'ailleurs : « Entouré de nombreux invités, le chanteur Philippe Katerine — à l'occasion de son 105ème anniversaire — jette un regard rétrospectif sur sa brillante carrière au cinéma, au théâtre et à la télévision. » Ou : « Yves-Noël et son cultissime canapé reçoivent Philippe Katerine pour un grand hommage à l'occasion de ses 180 ans et autour d'eux... » En tout cas, voici une phrase que j'aime beaucoup (de lui) qui résume bien la situation : « On va faire un truc super excitant, mais suffisamment ouvert pour qu'on puisse faire le contraire. » Il m'a dit aussi : « Je veux me lancer dans une aventure, un truc que jamais j'aurais pensé faire. » Donc ça pourrait s’appeler aussi : L’Aventure. Mais il ne faut pas survendre, je suis toujours d’avis de stratégies inverses. Le public n’est pas con — en tout cas, je ne m’adresse pas à lui en le prenant pour un con. Ce qui veut dire, sans doute, un budget relativement réduit, cela pour ne pas être obligé à la propagande comme au cinéma pour rentrer dans les frais. C’est le public qui donnera le sens, s’il le donne, on ne lui dictera rien. A part cette question du programme (ce qui est le plus tricky), il faut aussi qqch pour appâter les coproducteurs (parce qu'il faudra bien quand même un peu d'argent). Ça, c'est plus facile parce qu'on peut raconter n'importe quoi — et c’est ce que je suis en train de faire —, ça ne me dérange pas. (Mais pas au public.) En tout cas, ce qu'il faut faire, c'est ne pas définir un sens à l'avance, un sens discursif, pour qu'un an de travail soit vraiment un an de travail, une aventure, en effet. Philippe est très proche de ce que je dis là. Il aime beaucoup (et ça pourrait être dans le spectacle) chopper au vol des phrases dans la rue ou les restaurants. Ce que James Joyce avait appelé, je crois, Les Epiphanies. Par exemple, l’autre fois, il a noté (de nos voisins de restaurant) : « J’ai encore 30 ans devant moi. — C’est beaucoup. » Plus tôt, il avait saisi : « Z comme Zorro » puis un peu plus loin : « Mais j’te dis qu’y en a ! » Philippe Katerine trouvait aussi l’idée merveilleuse (qui m’est passée par la tête) de casser des vases. Bref, ça devrait être un spectacle assez dada. Forcément dada. D’ailleurs un cheval ferait du meilleur effet. Philippe Katerine à cheval, le spectacle est fait. Un canasson. Il faudra laisser Philippe complètement libre. Forcément libre. Et laisser le spectacle libre aussi, complètement libre. Peut-être que Philippe devrait traverser le spectacle à cheval, c’est une idée, ça ! Mais ça peut être une blague, parce qu'avec Philippe, l'humour n'est (forcément) jamais loin. On se disait que ce serait bien de trouver quelques heures dans le lieu vide très vite pour faire quelques essais, lui et moi, vérifier un peu la résonance et la faisabilité de rêveries, si par bonheur il l’était, vide, avant la fin de la saison. Philippe voulait un tas de sable, j'ai dit que c'était pas possible à cause des 2 spectacles, etc. (Texte qui ne fait que...)
Ça pourrait s’appeler Philippe. Ou ça pourrait s’appeler 1er avril.

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