Saturday, August 24, 2013

L a même que Marie



J’ouvre un livre au hasard. Hamlet, traduit par Jean Malaplate. Mes yeux, mes yeux ! Un avion passe dans le ciel. C’est invisible. Mais sonore. Ainsi, je n’invente rien. Hier soir, j’allais dire : « hier soir », j’étais chez Jeanne et Bertrand. C’est une maison à Vitry — ou à Villejuif — avec, je ne l’avais pas constaté quand j’étais venu en hiver (je veux dire : il y a si longtemps), un immense jardin d’été. Je vais aller à Vidéosphère et emprunter des dvds de Tarkowski, qu’est-ce que je peux faire de mieux ? Le Miroir. Le Sacrifice. Qu’est-ce que nous allons jouer le 6 septembre ? Qu’est-ce que nous allons ne pas jouer ? Jeanne et Bertrand ont eu une idée, hier soir — nous étions dans le jardin, bougies, lumière des téléphones portables, le froid et le chaud, le blême et l’amour, une assiette de haricots du jardin —, cette idée, c’est de changer les textes des airs d’opéra : ils peuvent changer les textes, alors quels textes ? du Nerval ? voulez-vous faire un essai ? Alors, dans le jardin… d’une voix miniature pour ne pas déranger les voisins inconnus, endormis : Bertrand, le premier, a chanté :  « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même que sous toutes les formes tu as toujours aimée », une phrase que j’avais recopiée du métro en venant.

Et maintenant dans Hamlet… J’imagine, en me réveillant, un dialogue parlé/chanté avec Jeanne et Simon. Simon dit : « Eh bien mère, qui y a-t-il ? » et Jeanne répond : « Hamlet, Hamlet, tu as fort offensé ton père. » Simon : « Ma mère, vous avez fort offensé mon père. » La Reine : « Allons, vous répondez d’une langue futile ! » (« idle tongue »), Hamlet : « Allez, vous demandez d’une langue perverse. » En anglais, c’est mieux : « Go, go, you question with a wicked tongue. » Incroyablement mieux, même. On peut peut-être le faire en anglais. Simon peut-il ? « Que signifie, Hamlet… », « Bon, de quoi s’agit-il ? » : tout en miroir, comme ça. « Why how now Hamlet ? — What’s the matter now ? » « Vous oubliez, je crois, qui je suis. — Non, parbleu ! Reine et femme aussi du frère de votre époux, / Et, malheureusement aussi pour moi, ma mère. —  Bien, je m’en vais quérir qui saura vous parler. — Allons, asseyez-vous, ne bougez point d’ici ! / Vous ne partirez pas que je n’aie devant vous / Mis un miroir pour voir jusqu’au fond de votre âme. — Que veux-tu faire ? Eh quoi ! vas-tu m’assassiner ? Au secours ! Au secours ! » Tout est extraordinaire. On dit Nerval, mais c’est Shakespeare qui vient. Tout se tient, et bien sûr, mais qui fera l’unité ? Je voudrais un alter ego, je voudrais un dramaturge… J’écrivais ceci dans mon carnet, je ne sais plus quand, dans le métro, hier au soir : « il me faut maintenant me tourner vers mes protecteurs… « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même que sous toutes les formes tu as toujours aimée » ». Et j’écrivais encore : « J’aimerais rencontrer un alter ego qui soit + intelligent que moi. Ce que je fais est trop complexe. Un dramaturge. (J’avais déjà lancé un appel dans ce sens et je n’avais pas répondu aux propositions, sorry…) J’ai trouvé cet alter ego souvent chez des éclairagistes, vidéastes, son, photographes, scénographe peut-être, souvent chez les journalistes, toujours chez les acteurs, mais je ne l’ai jamais trouvé — ou bien je l’ai perdu — dans ce domaine : la dramaturgie. Savoir sur quoi l’on travaille. Solidifier la maison, les fondations. Je sais sur quoi je travaille, mais c’est plus léger que l’air. »  

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