Thursday, December 19, 2013

¿Q ué es la fe real?


Sébastien, J’écoutais la radio tout à l’heure après que nous nous étions rencontrés et avions évoqué Pontempeyrat et les difficultés des directives Afdas et j’entendais ça (ci-dessous).
Je me répétais — ce que j’ai déjà beaucoup dit — que ma recherche est un travail sur l’incarnation dans le sens où Nicolas Le Riche (danseur étoile) dit à Laure Adler (journaliste) : « Comment se fait ce rapport à l’espace qui introduit cette dimension qui est presque spirituelle ? — J’ai toujours pensé que le plus important pour un danseur était probablement l’incarnation. — C’est pas la technique ? — Elle est importante, c’est l’écriture, c’est le mot, c’est la forme, c’est ce qui est donné. En revanche, l’incarnation — l’impulsion — est probablement ce qu’il y a de plus mystérieux, de plus fragile, de plus sensible et ce champ ouvre énormément de possibles. Et il est relié aussi à l’une des forces de cet art que j’aime beaucoup : il est relié au vivant, à la personnalité qui le porte. Je pense sincèrement que c’est l’une des forces de la danse aujourd’hui, la danse est portée par des êtres vivants qui se la donnent, qui se la communiquent de génération en génération, qui se la transmettent. C’est un cadeau et un trésor extraordinaire puisque à chaque fois tout ça est enrichi de la personne qui vous l’a transmis. » Il faut défendre un enseignement intuitif, je pense que je ne suis quand même pas le premier ! (Voir peut-être du côté de Jacques Rancière que je connais mal.) Et, bien sûr, j’ai compris que nous étions bien d’accord et qu’il fallait trouver la meilleure stratégie pour cette guerre que l’on nous fait. Je te redonne aussi la très belle citation de Franz Kafka sur laquelle était basé le dernier stage « Casser une noix » : « Casser une noix n’a vraiment rien d’un art, aussi personne n’osera rameuter un public pour casser des noix sous ses yeux afin de le distraire. Mais si quelqu’un le fait néanmoins, et qu’il parvienne à ses fins, alors c’est qu’il ne s’agit pas simplement de casser des noix. Ou bien il s’agit en effet de cela, mais nous nous apercevons que nous n’avions pas su voir qu’il s’agissait d’un art, à force de le posséder trop bien, et qu’il fallait que ce nouveau casseur de noix survienne pour nous en révéler la vraie nature — l’effet produit étant peut-être même alors plus grand si l’artiste casse un peu moins bien les noix que la majorité d’entre nous. » Le stage doit s’inventer sur le moment et à partir des personnalités rencontrées — exactement comme en haute couture (disait Coco Chanel) : « Je fais mes robes sur les mannequins. » Il s’agit de croiser ou de ressentir, de faire ressentir aux interprètes qui le veulent que le « vivant » est la matière même qu’ils peuvent travailler, qu’ils doivent travailler toujours et exclusivement, même si on ne leur dit pas. Le vivant : l’incarnation dans l’espace. On ne leur dit pas, parce que, ce qui se dit, c’est, à la place, les discours faux et mortifères de ceux qui l’attaquent, justement, le vivant, et aussi parce que le vivant (de la création), comme le dit Nicolas Le Riche, mais comme l’a aussi très bien montré Nathalie Sarraute pendant tout un livre intitulé Entre la vie et la mort, il est extrêmement fragile et volatile. Ou bien encore, comme l’a aussi parfaitement clairement énoncé Virginia Woolf : « Rien ne devrait avoir un nom, de peur que ce nom même le transforme. » C’est une phrase massive que cette phrase. Il est alors hors de question qu’une personne de bureau ou qu’un système de bureau dise le contraire de ceux qui permettent la grandeur de ce système : les artistes guidant les autres êtres vivants — car tous disent la même chose, les plus immenses (comme l’a montré Charles Baudelaire dans un poème que j'interprétais à la Ménagerie de verre intitulé Les Phares). Mais il est vrai que la dimension administrative des choses est déjà nommée par Hamlet comme une raison de suicide : « the insolence of office ». Oui, ces gens sont des insolents qui traînent l’humanité vers le bas et la misère. Pas tous. Le mot « administrer » vient du latin « prêter son aide », « servir » (en contexte religieux). Il faut (souvent) revenir à la vérité étymologique pour respirer et reprendre confiance… « Jouer Dieu » ? C’est ce que je te souhaite, cher Sébastien, toi à qui j’envie tant la respiration des voyages qui me manquent,

YN

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