U ne phrase malheureuse d'Emmanuel Kant
Guillaume Allardi
Je te comprends, Yvno*.
L'affreux problème est que l'homme ne perçoit pas sa propre Barbarie. Pour lui
l'animal n'est le lieu d'aucune dignité, il aura tout au plus une curiosité
envers sa beauté (beauté dont il pense que seul lui peut la voir, bien entendu,
que ce n'est pas l'animal qui en est l'auteur, mais « la Nature »...)
Et quand il voit les images des machines qui moissonnent des poulets en
batterie, les expériences « in vivo » sur des chimpanzés, ou des
mutilations d'éléphant, il sent bien son malaise, mais il n'a pas les mots pour
le dire. Dira-t-il que ces traitements ne sont pas « humains » ? ça
n'aurait aucun sens... qu'ils ne sont pas « animaux » ? non plus, car
le terme « animal » pour lui, ne recouvre aucune dignité. (ce serait
même plutôt le contraire) Et pourtant, il faut bien appeler ça par son nom,
c'est de la Barbarie. J'ai vu ça dans Kant, récemment, texto : « Tout ce
qui se rapporte à l'homme pour ses besoins et ses désirs a un prix et peut-être
échangé contre une valeur équivalente. Seul l'homme, en tant que possédant la
raison universelle, est inaliénable, il n'a donc pas de prix, mais une dignité ».
Le programme d'exploitation et d'extermination de notre planète est inscrit
ici, sur ce monument qui est le fondement même de l'Humanisme. Bien sûr s'il
avait vécu à notre époque, et vu ce que nous voyons, Kant n'aurait pas écrit ce
genre de connerie. Mais il faut revoir notre copie, et très vite. La Barbarie,
ce n'est pas une histoire de méchanceté, ou de morale, c'est une histoire de
perception. Littéralement, le nazi ne « voyait pas » dans le juif,
l'homme. Et l'homme aujourd'hui à désappris de regarder, dans l'animal mais
aussi, et à égalité, dans la plante, ou dans un cristal, sa parenté, sa
communauté. Et pourtant quand je regarde la spirale de la coquille d'un
gastéropode, ou le motif des tâches du jaguar, ou l'incroyable géométrie des
cristaux, je vois bien que la Raison universelle, l'équilibre, la mesure,
traverse tous ces règnes. Alors extirpons les choses du rang de « simples
choses ». Ou non, faisons mieux : puisque tout ce qui se prétend « au-dessus
des choses » ne parvient jamais qu'à se ridiculiser et à se chosifier
d'autant plus : Faisons de toute chose notre égale, brisons notre piédestal et
descendons, humblement et gaiement, choses parmi les choses. Mais faisons vite.
* A propos de — ça —.
* A propos de — ça —.
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