Monday, April 21, 2014

P luie solaire pour mélomanes !


Julien Spianti
A voir absolument ! Excellentissime moment de théâtre ! myriades d'inventions et de beautés plastiques — pluie solaire pour mélomanes !
Plus que deux dates, les 11 et 12 Avril !!!
Aux Bouffes du Nord à 21h



Florence Violet
Cher Yves-Noël,
Les strates du spectacle sont retombées et les fantômes ont rejoint les autres tout là-haut sous la coupole… « Merci d’exister », vous ai-je dit après l’avant-dernière au bar, avant de courir prendre mon train et je vous le redis !
Car depuis, je voudrais retourner aux Bouffes du Nord, voir ce que je n’ai pas vu et entendre, ce qui m’a échappé, mais non, il n’y a plus de spectacle !  No more dreams ! J’espère que le spectacle sera repris aux Bouffes, c’est le seul écrin possible, je ne l’aurais peut-être pas aimé ailleurs… je n’ai pas tout aimé non plus, mais ce n’est pas le résultat qui fascine mais « la beauté du geste », la façon d’y arriver.
J’ai aimé ce long silence de noir profond, la fumée qui a envahi ce lieu vide mais tellement habité, les chants, le public confronté au rien, contraint de se projeter dans le vide, de s’accrocher aux apparitions, de les « ressentir » sans comprendre, ça peut se casser la gueule à tout moment, frôler le kitsch, le gratuit, c’est un acte funambulique car ce que vous demandez, ne rien faire, pour les acteurs, c’est le plus dur. Rien n’est appuyé, juste « Marcello » une fois presque murmuré et c’est La Dolce Vita, le Minotaure, on ne sait pas pourquoi, mais c’est normal qu’il soit là… D’autres, c’est moins évident : d’où est sorti ce personnage barbu soufflant dans un bout de bois : des bruits d’eau marécageuse de la bande-son, le transformant en sourcier ou en chasseur de canard testant son appeau, de la forme du bâton, ou du costume vieille France ? et ça joue… Un moine, un milicien, et arrivent des archétypes de la mémoire ; en fait, c’est vrai, ce que vous dites dans votre blog, qu’il pourrait ne pas y avoir d’acteurs, mais des objets, un casque et c’est Rome, un manteau et c’est Brecht, juste avec la bande-son et la lumière (bravo !) C’est parce que, dans ce théâtre-là, tout est magnifié, en lévitation, que c’est possible, j’ai crû que la bassine sur les gradins elle était là pour jouer (c’est beau, le son d’une goutte d’eau qui tombe, mais il aurait fallu un micro !), que les gens qui ont ri quelquefois à contretemps, c’était des acteurs complices. Il y a tellement de fantômes possibles dans ce lieu, avec la perspective du fond rouge et la hauteur de la coupole, on est vraiment dans le sacré total et c’est l’au-delà des acteurs qui le rend perceptible.
Bref, merci pour le rêve ! (ter repetita !) Un deuxième avril ?

Merci infiniment ! « Merci d’exister », c’est une phrase (indélébile dans ma mémoire) que j’ai entendu dire par une jeune fille en larmes (quasiment) à Marguerite Duras une fois que nous l’avions amenée voir Kontakthof de Pina Bausch au Théâtre de la Ville. Bien sûr, cette adolescente avait mon âge, mais, moi, j’étais là, au côté de Marguerite Duras qui avait véritablement « goûté » ce moment et qui avait répondu délicatement : « Qu’est-ce que je peux répondre à ça ? » Le personnage barbu soufflant dans un bout de bois sort d’une sublime exposition du peintre extraordinaire et néanmoins un ami, il est venu 3 fois voir 1er Avril, Bruno Perramant. L’exposition s’appelait : Le Maître des anges rebelles (c’est une citation directe). Alors, aussi, il faut que je vous dise : il n’y a pas de bande-son, c’est toute l’astuce. Pour arriver à ça, 1er Avril, impossible sans Benoît Pelé qui improvise le son tous les jours comme un acteur. C’est une question d’impacts, c’est ça qui permet cette qualité inouïe : il y a quelqu’un. Et c’est pour ça qu’il y aurait pu n’y avoir que « des costumes avec personne dedans » selon la formule abondamment répétée, parce que, lui et Philippe Gladieux qui improvise aussi tous les jours la lumière, tous les deux, donc, étaient bien là. Son-et-lumière, certes, mais pas déjà fait, en train de se composer exactement en même temps que vous, spectateurs, le découvrez.
Bien à vous,
Yves-Noël

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