S ur le pain blanc des journées
« Sur le fruit coupé en
deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille
vide »
Me voici tout ragaillardi.
Pourquoi ? Parce que je repars sur les routes. Demain, Avignon. Etre à
Paris me fait suffoquer. Pourquoi ? J’en suis triste. La pollution, bien
sûr. Mais aussi, l’impression d’y être et d’en être exclu. C’est suffocant.
Emil Cioran dit qu’il aime Paris parce que c’est une ville de ratés. Tant de
gens y sont venus pour « réussir » et, évidemment, bien peu. C’est
vrai, c’est ça, le charme de Paris : les ratés. Mais, les ratés, à Paris,
ne le paraissent pas. Au cas où. On sait jamais. Toujours se hausser. A
l’Américaine. Il n’y a pas ce problème à Bruxelles : les ratés assument
d’être ratés, ce qui peut aussi être pénible, finalement... Exemple : Thibaut
Wenger qui m’engage sur La Cerisaie
à qui je demande et redemande de me parler de son travail que je ne connais
pas. Il me dit qu’il ne sait pas quoi dire sur son travail. Il n’a rien à
me dire. Ça, c’est un peu beaucoup, quand même. Au début, il m’a même
dit : « Demande à Claude Schmitz de t’en parler, il l’a vu ».
Et, Claude Schmitz, il m’en a pas du tout parler non plus, il m’a dit que
c’était bien — ou plutôt : « pas mal du tout » — et c’est
comment ? ben, pas mal, pas mal du tout… Bon, je comprends très bien, je
comprends très bien… C’est ce que je fais avec les programmateurs, les
décideurs, je ne veux pas parler de mon travail — à cause d’une méfiance idiote
(ce sont des hommes comme les autres, après tout) —, mais avec les acteurs, les
plasticiens, les journalistes, le public, j’en parle quand même beaucoup... C’est
une schizophrénie, j’en souffre (on en arrive vite à parler à la
troisième personne), mais, enfin, il faut parfois convaincre les gens de
travailler avec soi. Lui, Thibaut, il en a rien à foutre, il ne va pas me
dire : travaille avec moi parce que c’est bien ou alors il le dira, mais
il ne dira pas pour quelle ou quelle raison. De sorte que je n’ai aucune idée
où je fous les pieds et si je ne dois pas apporter tout mon manger ou s’il y
aura qqch qu’on me donnera. On
sait que c’est La Cerisaie, ok,
mais à part ça ? A part ça, y a Boris, y a Claude, y a plus Marie Bos, ah,
merde ! elle reviendra plus tard, elle est enceinte…
Labels: paris
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