D u 8 au 28 septembre, un stage
JOUER DIEU, murmurer
Shakespeare
« Le théâtre n’est
pas, pour moi, un spectacle ou une distraction. Il est plutôt la synecdoque de
la communauté, une voie d’accès à la connaissance de la nature humaine, où les
aspects les plus extrêmes de l’être humain sont rapportés et font l’objet de
réflexions. » Ça, c’est de Romeo Castellucci. Synecdoque : partie
pour le tout. Pour ce quatrième et nouveau stage à l’Hostellerie de
Pontempeyrat, dans le Forez, le corpus proposé — immensément vaste, mais pas
restrictif — ce sont les rois monstrueux de Shakespeare qui jouent… à
Dieu ! L’enchevêtrement de la Guerre des Deux-Roses — dont la généalogie
fleuve est certes tout à fait accessoire par rapport aux passions de ces
figures qui sont comme des paratonnerres dans l'orage, monologuant sur
des champs de bataille, parlant à leur cheval, à la forêt, au paysage, comme
derniers interlocuteurs... et surtout Richard II, « the mockery king of
snow »… Il y aurait ça et la Bible, tout de la Bible, les
sorcières, Job, Abraham, L’Ecclésiaste, Adam et Eve… Le corpus, ce serait la
poésie épique, d’« action », de rapidité, de tac au tac. Et tout cela
se ferait, rêvons-le, dans un « murmure », dans la communauté d’une
absence : ce que la littérature moderne affirme comme sa puissance suprême : ne
pas conclure, ne pas affirmer, mais « murmurer », comme le vent dans
les feuilles, et, naissante, alors, possiblement, une formation démocratique plus rêvée et plus réelle.
Pour ce stage, je bénéficie
de l’assistance de 2 intervenantes. Sara Rastegar qui a suivi le stage il y
a 2 ans, est devenue une cinéaste inouïe ; son film Mes souliers rouges, sur sa famille exilée d’Iran, m’a bouleversé. On peut
voir L'Ami, son premier film, https://vimeo.com/85882161 code : LAMI.
Voici ce qu’elle me
dit : « Le cinéma prend place précisément à l’endroit de la synchronicité
auquel ton travail ne cesse de faire référence. Ce serait beau de filmer
dans la nature comme si on se situait au bout du monde et qu'il nous restait 3 semaines pour tout raconter de nous-même, des images qui seraient comme
la dernière image, des récits d'amour, des premières fois, des
sensations de vie. Pour commencer, ça pourrait être de simples plans fixes. Les
participants se placeraient devant la caméra quelque part entourés d'arbres et
d'oiseaux et dans un dispositif brut (comme les plans noirs avec mes parents
dans Mes souliers rouges). »
L’idée, j’ajoute, n’est pas de
filmer pour plus tard car « tout ce qui n’est pas
immédiat est nul » (Emil Cioran). C’est-à-dire que le film se construirait au jour le jour, en temps réel, qu'il faudrait inventer ce temps, jamais en avance ou en retard, sans déchets non recyclables. Imagination
immédiate de l’écriture. Une aide précieuse — et inespérée, elle aussi — viendra d’Isabelle
Barbéris. Isabelle Barbéris qui connaît très bien mon travail est
actuellement maître de conférences en arts de la scène à l'université Paris
Diderot et la directrice artistique du projet européen « Duermevela »
(un cycle de modules performatifs inspiré du mythe des Sept Dormants d'Ephèse). Elle enseigne également à La Manufacture et elle est l'auteur d'ouvrages sur le théâtre contemporain et sur la performance
(le prochain portera sur la notion d'entracte…)
Comme toujours dans un
stage que je propose, il n’y aura rien à apprendre, rien à acquérir. Ça, c’est
si important que l’AFDAS ne peut pas le comprendre. Tout le travail consiste à
ne pas perdre cet absolu de l’inconnaissance qui se manifeste naturellement au
moment presque inconscient de la rencontre ou même avant la rencontre, comme
l’écrit Peter Handke : à L’Heure où nous ne savions rien l’un de
l’autre. Ce que je propose (toujours)
aux interprètes avec lesquels je travaille, c’est de faire ce qu’ils veulent.
Ma seule exigence (mais elle est sévère) : le bonheur, la joie de
travailler avec les autres, n’importe quels autres ou les autres choisis, comme
mari et femme, frères et sœurs, amis multiples ou exclusifs. Car le thème du
théâtre, l’unique thème, c’est l’amour, la liberté d’aimer, la vérité — d’aimer.
Tout le reste : tristesse et déchet.
Le site de l’Hostellerie de
Pontempeyrat est merveilleux. Nous vivons dans des caravanes, bien rangées sur
un champ pentu. Tout le monde y couche avec tout le monde et avec ses rêves aussi.
C’est un lieu qui me fait
toujours penser au retrait de William Shakespeare au moment de la peste à
Londres, au moment où les théâtres ont fermé et où il s’est mis, à la campagne,
chez un protecteur, à écrire de la poésie. C’est un lieu poétique. Mais, comme
dans Le Décaméron, le livre de Boccace, c’est une
troupe entière qui fuit la peste, 7 jeunes femmes et 3 hommes, est-il dit... (par exemple).
« Jouer Dieu »,
c'est l'intuition d'une unité sous les apparences. L'imagination, définie par Pierre Guyotat, est « la faculté de poser son regard et de rêver la chose, quasiment de rêver la
chose qu’on voit, si vous voulez, de rêver, de s’appesantir, de penser, de
penser en même temps qu’on voit la chose. C’est qqch qui est presque impensable
aujourd’hui, disons qui est rendu difficile par la multiplication des supports,
des informations... C’est pas une critique, c’est une constatation. »
La grande difficulté au
théâtre, au cinéma, dans la danse aussi bien ou le chant ou quoi que ce soit
d’artistique, c’est la crédibilité : comment jouer une scène d’amour si on
ne croit pas que les protagonistes ont une connaissance inconsciente l’un de
l’autre ? Aucune chance. La « prière » pour que « ça
fonctionne » n’aboutit que rarement. Le chef d’œuvre est rare et, le chef d’œuvre, ce n'est que ça : on y croit, on
est ébloui d’y croire. Alors ne pas avoir peur, si possible, de venir en équipe, à 2 ou à plus encore. Tous ensemble, déjà rassemblés.
Voici comment je travaille
(comment j’essaye). C’est un extrait d’un texte en cours de Frank Smith qui
nous servira de vade-mecum (« viens avec moi ») : « — Mets en
mouvement, mets en mouvement des blocs de sentiments qui ne soient plus à
personne, lâche et perds et ne mène pas seul ta propre affaire, lâche et perds
et fais filer les lignes en zigzag, cherche ce qui passe entre 2 choses, lâche
et perds encore, ne trouve pas seul mais invente accompagné, accepte ce que
l’on te donne même par hasard, pars toujours en adjacence, ne juxtapose pas, ne
fais qu’esquisser, lâche et perds et jamais de réunion, ne fais pas de Châteaux
en Espagne, ne te confie à personne je suis là. » Tout ce poème à
un jeune poète par les villages sera aussi emporté dans la
rivière, dans la valise de mes lèvres à
l’Hostellerie de Pontempeyrat. Je voudrais, par vitesse, changer l’eau en vin, le vin en venin
et vice versa-château de Versailles. C’est cela, « Jouer Dieu », le raccourci, le vent dans l'univers. Le trouvère, étymologiquement : « celui qui trouve ».
Stage conventionné AFDAS ouvert à tous les
corps de métier. Renseignements financiers à l’Hostellerie de Pontempeyrat. Envoyez par mail à Pontempeyrat une ou plusieurs photos, un CV, ainsi qu’un mot de
motivation que vous m’adresserez.
Labels: stage jouer dieu
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