I mmer leiser
J’avais vraiment entendu
mon nom et mon nom m’avait fait me réveiller. « Yves-Noël ». Mon
frère. C’était si net que j’étais de nouveau en vacances et je me réveillais
ailleurs, « dans ma vie ». J’avais écouté les morceaux de Clément Vercelletto
au coucher et je les remettais maintenant, ils étaient inouïs. Surtout celui
intitulé : Urgentino, le
silence entre les stases était inouï, me surprenait si agréablement. Je m’étais
endormi aussi avec l’espace qui s’était ouvert dans le nord de la ville, les
ateliers de Bruno Perramant, 2 châteaux remplis des merveilles dans tous les états, achevées
ou presque ou en cours ou en leur début, de Bruno Perramant, mon peintre prince. C’est un beau cadeau qu’il m’avait fait en me faisant venir là, il n’y faisait venir
personne, personne dans cet endroit absolument personnel, d’un luxe le plus
fou, jamais personne, presque personne. Aussi, je lui avais forcé la main. Au dernier moment, je lui avais
envoyé : « Je suis avec un pote, un acteur du prochain stage, je peux
venir avec lui ou c’est dommage ? » Il n’avait peut-être pas osé dire
non. Peut-être. Peut-être que ça m’avait paru, à ce moment-là, trop solennel de le rejoindre
seul, Bruno Perramant, qui représentait « tout » pour moi,
« tout », absolument, « tout » de la « force »
(cela passait par la couleur, l’énergie inouïe de la couleur fraîche), que cela
m’avait fait peur. Et puis j’étais avec Hadrien. Hadrien était effectivement
qq’un qui allait faire le stage et dont j’étais tout simplement tombé amoureux.
On passait des heures ensemble. On voulait se voir tous les jours. Il avait été
déçu d’apprendre que je partais dimanche. Il avait l’impression qu’on se
comprenait. C’est vrai, le stage avait déjà lieu avec lui tous les jours. Je
lui faisais rencontrer les filles. Judith Toledano, Madeleine Fournier. Il les
trouvait belles. J’étais content qu’il les trouve belles, désirables. Il
adorait le nom « Madeleine Fournier », il adorait le prénom
« Judith ». Il désirait les filles, il aimait les filles à la folie.
Indubitablement, l’une de ses passions. Il aurait voulu que les filles soient
les plus belles possible, dans le stage les plus belles du monde et, moi aussi,
j’aurais voulu. Et, moi aussi, les garçons, je les aurais voulus les plus beaux
possible. Lui s’en fichait sans doute des garçons. On ne peut pas aimer tout.
C’est moi qui aimais tout. Je me souvenais quand Jérôme Bel m’avaient envoyé
la vidéo d’Hitler qui s’adressait à la « belle » jeunesse arienne,
j’avais pris la vidéo en plein cœur, une saloperie, à heure de ma sieste, à
Avignon, quand je jouais le spectacle des poèmes de Charles Baudelaire dans le
noir qui s’appelait Rester vivant.
Je l’avais viré de mes amis Fesseboule avec ce mot : « Tant de bêtise
et de haine de ta part, c’est effrayant… » On peut quand même s’intéresser
à la beauté ! Je n’avais jamais caché que je travaillais sur la beauté,
lui travaillait sur autre chose (la misère, peut-être), je n’allais pas
l’emmerder avec Hitler… Mais j’écoutais la belle musique de Clément Vercelletto
et je regardais les belles peintures de Bruno Perramant, tout était apaisé
désormais. Tout était, dans ma vie finie, apaisé. On buvait ensemble quand
arrivait l’heure. Je m’émerveillais de le voir s’ouvrir comme un livre à la
première gorgée de la délivrance. Alors je me mettais moi aussi à ressentir
l’insouciance, me saoulant à la St-Yorre, mais ce n’était pas un problème,
j’étais très mimétique, quelqu’un de bourré — et heureux de l’être — et j’étais bourré moi aussi.
Hadrien réinventait Dieu, comme Marguerite Duras l’avait prononcé :
« L’alcool remplace Dieu ». Je me demandais comment faire pour ne pas
la perdre, cette insouciance qui était le fond vraiment vrai des choses, la
perception de l’insouciance, et si le travail était un devoir*. Il me
disait : « Mais oui, c’est ça, la vie est incroyablement bien faite,
on a la journée pour travailler et, le soir, on a toute la nuit pour absolument
ce qu’on veut… » On se quittait un peu tôt (avant minuit), mais c’est
qu’on était ensemble depuis 14h, aussi, on s’apercevait. En rentrant, me
revenait que je n’avais pas appelé mon père à l’hôpital et que, parmi toutes
les choses que je n’avais pas faites, celle-ci, j’aurais pu/dû la faire. Mais
c’était faux d’ailleurs car je n’avais plus de batterie depuis longtemps déjà
dans la journée. Quand mon téléphone avait été suffisamment rechargé, je m’apercevais
qu’Hadrien m’avait déjà envoyé un
message dont je remettais la lecture au lendemain (j’avais les doigts
pleins de la graisse de la cuisse de dinde du midi et de la veille que je
finissais enfin). Au lendemain, oui, càd maintenant. Découvrons-le ensemble, ce
message : « Solitude : creuset de confiance, fontaine heureuse
d'où coule des larmes bénéfiques, car l'homme qui cherche à dépasser sa
solitude se dépasse lui-même, et atteint des sphères insoupçonnées. Je suis
bien content d'être enfin seul, nul doute là-dessus. Les femmes guérissent et
font vivre et émerveillent, nul doute, mais elles ont tant besoin d'amour... On
écrit seul, en présence de fesses douces comme des figues et rondes comme des
perles, on aime, on ne peut rien faire d'autre. Je relis L'Idiot et le Procès de Gilles de Rais et Sire Halewyn, c'est vertigineux. Je te fais une liste des impératifs ce soir ou
demain. Je t'embrasse, Hadrien » (Hadrien s’était séparé, c’était ça,
l’histoire de cette journée chaotique…)
* Comme toujours, je ne
pensais pas au travail lui-même qui est une fête — si rare —, mais à l’accès au
travail qui est le problème de ce métier que je pratique qui a besoin de
salles, de programmation, d’une sorte de « carrière », en qq sorte, que je
n’arrivais pas à « assumer » ou bien encore à « développer », au fond, je dirais, à
« vouloir »…
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