S ur les marches de la cathédrale, avec le ventre vide et nauséeux...
Être ailleurs du monde me
plaît considérablement. Par ex, là, je suis au Puy-en-Velay. C'est la fête du
Roi de L'Oiseau. Les bourgeois s'habillent comme à la Renaissance et il y a
aussi quelques va-nu-pieds qui profitent de la situation : c'est la journée où
les manants, on leur fiche la paix, forcément, surtout qu'ils ont fait un
effort pour s'endimancher. Robes longues et cheveux défaits, les Guenièvre, les
Malicorne... Et, moi, je suis là aussi, on m'a déposé en voiture, il fait beau,
je n'ai rien à faire : j'ai acheté « Libé », c'est dire, que je lis sur un
banc de pierre. J'ai un peu froid aux fesses parce que je suis malade. La
nourriture est tellement épouvantable que ça fait une semaine que j'ai la
chiasse. Mais, alors, j'ai jamais eu ça ! Quand je sors de la caravane pour
pisser, la nuit, je chie en même temps. La clairière où se situe la caravane
est devenue un champ d'excréments. J'ai même vu, ce matin, qu'un animal pas bête
y avait laissé lui aussi ses crottes, je me suis demandé quel animal, un renard
? ou Yacine. Cette nuit, c'était le pompon ! Je me suis réveillé en sueur avec
l'envie de vomir ; j'ai réussi à aller jusqu'aux sanitaires et à prendre une
douche, je suis revenu vidé, mais avec toujours l'envie de vomir — et 2h après
je rechiais dans mon lit. Je pense qu'il me manque des fibres, des légumes
verts. Manger des carottes râpées, de la betterave cuite et de la courgette
bouillie toute la semaine rend malade, même si la carotte, la betterave et la
courgette sont bio (au départ). Ce n'est pas le riz bio qui manque
non plus, non, je pense que c'est la fraîcheur et le vert, le croquant.
Nourriture morte engendre maladie, nourriture vivante bonne santé. Woody Allen
et Judith ont accepté sur ma supplique de me prendre dans leur voiture de
loc, mais en ayant extrêmement peur que je vomisse. J'ai passé le voyage à les
rassurer ; la route était belle, ensoleillée, miraculeuse, mais j'avais vraiment
envie de vomir. Woody Allen conduisait doucement dans la crainte que
le moindre virage me déclenche ; Judith prétendait que, oui, on peut vomir même si on n'a plus rien dans le ventre. Maintenant, je suis là, mais
heureux ! Fuir ce trou humide et me retrouver nulle part, perdu dans une fête
Renaissance où tout le monde est malade, mort-vivant sauf bien sûr les
vieillards nés avant-guerre qui profitent encore de l'augmentation de
l'espérance de vie, ce qui ne sera plus le cas des malheureux de la deuxième
moitié du XXe siècle qui mourront dans les affreuses souffrances des pandémies prédites déjà installées.
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