Sunday, January 18, 2015



Bonjour, juste un petit mot, on se voit demain, j'ai aucune idée de ce que l'on va faire, mais c'est pas mauvais signe, il est trop tard pour préparer quoi que ce soit, maintenant, c'est la force de la page vierge qu'il faudra invoquer. Il y a ce texte de Michel Houellebecq qui peut vous servir d'appui, ce serait rigolo qu'on puisse en faire qqch, rigolo parce qu'on serait alors certainement les premiers ! à essayer de sortir une forme à partir d'un texte si neuf (et si polémique, etc., ancré dans le réel, en tout cas), mais c'est peut-être hors de notre portée, trop ambitieux. On verra...
Le temps va passer très vite. 
L'essentiel, c'est demain. 
Souvent, j'ai construit mes spectacles presque en temps réel. Comme je manque de temps de répétition, le premier geste est le bon, le premier pas sur le plateau, il faut le refaire, on n'a pas le temps d'en chercher un deuxième. Je vous en parlerai demain. C'est cette qualité de la première fois qui me touche et que je demande de retrouver, d'être capable de refaire. 
Idéalement tout devrait se faire demain et, les autres jours, on se contenterait de refaire, de repasser notre copie, de célébrer ce même endroit. C'est si rare que les choses apparaissent. (C'est pourtant la vérité.)
A une époque où j'étais sans doute plus en forme, on construisait, dans les stages, plusieurs spectacles, on jouait tous les soirs le spectacle de la journée.
Je suis fatigué et c'est agréable, c'est vrai, ces temps de stage où l'on peut chercher plutôt que toujours immédiatement trouver. Ça change. 
Mais j'ai la nostalgie, souvent, de ces vitesses de répétition et je m'ennuie souvent des lenteurs (des fausses résistances) des stages. Il me semble que la vitesse est plus exacte (plus inconsciente).
Les auditions sont toujours chez moi des splendeurs. Et il y a qqch qui se perd ensuite, parfois à jamais.
C’est le désespoir.
L’année dernière, pour le stage Casser une noix, où il y avait 10 places, mais 200 demandes, j’ai, au dernier moment, décidé de prendre 60 personnes pour travailler précisément cette excellence de l’audition (un groupe de gens bien habillés ou déshabillés qui se retrouvent dans l’espace et c’est parfait, on a tout, dans tous les sens) et comprendre si on pouvait la faire perdurer plus longtemps. Je prenais les gens toujours par groupe de 10 ou 12 toutes les 2 h, et ça tournait, etc.
L'idée, c'est toujours de tourner autour du réel, évidemment, c'est-à-dire de qqch qui n'est pas qqch et dont on ne sait rien (sauf que c'est réel, mais rien de plus). Il faut beaucoup de ruses, d'invocations et de chance.
Surtout la chance.
Il faut mettre le hasard dans le coup. 
Ça demande une grande santé.
Croire au hasard.
(Au sens où Francis Bacon dit qu'il peint avec le hasard.)
Je suis en mauvaise santé en ce moment, très mal au dos et au bras droit, de l'arthrose, et il faut encore que je le vois comme une chance. 
J'ai repris un cours de danse avant-hier et ça m'a plutôt fait du bien (ça n'a rien empiré, en tout cas). Si vous avez des pratiques que je pourrais rejoindre pour me mettre un peu plus en forme, en mouvement, ou des soigneurs vraiment bien sur Bruxelles, vous me direz.
Vêtements : important. Ne venez pas avec (simplement) vos vêtements de travail. Je trouve que ça ne donne jamais rien. (Et comme je veux tout tout de suite...) Quelqu'un de vous dont m'a parlé Léa, mais dont le nom m'échappe encore se propose de s'occuper de costumes. Ce sera très apprécié ! En attendant, demain, venez avec vos plus beaux atours*. Je dis toujours que je ne mets les gens nus sur scène que parce qu'ils sont mal habillés ; quand ils sont bien habillés, je ne les déshabille pas. Mais c'est un peu vrai. C'est si rare, le vêtement… Ce que nous nous proposerons de faire s'apparente de toute façon à la haute couture : la présence (partir de la personne) et l'habiller. La présence est première et son habit de lumière.
Tenez, une citation de Gilles Deleuze (sorti de l'Abécédaire, R comme résistance (et non pas religion)) qui en parle mieux que moi :
« moi, je crois que, à la base de l’art, y a cette idée que — ou ce sentiment très vif —, une certaine honte d’être un homme qui fait que, l’art, ça consiste à libérer la vie que l’homme a emprisonnée, hein ? L’homme ne cesse pas d’emprisonner la vie, ne cesse pas de tuer la vie. La honte d’être un homme… L’artiste, c’est celui qui libère une vie — une vie puissante, une vie plus que personnelle, c’est pas sa vie... Libérer la vie, libérer la vie des prisons que l’homme… Et c’est ça, résister. C’est ça, résister — je sais pas, moi… c’est… On le voit bien avec ce que les artistes font… Je veux dire : y a pas d’art qui ne soit une libération d’une puissance de vie. Y a pas d’art de la mort, d’abord. »
A demain, 11h, à la Raffinerie, salle des Machines
YN

* B. (Le plus souvent) au plur., et parfois iron. Tout ce qui entre dans la parure des femmes; en partic. parure riche et/ou surannée. Beaux, grands, riches atours 

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