D ésir, vitesse
« C'est un de ces
premiers jours de printemps, un de ces jours qui paraissent surnaturels de
légèreté. Nous sommes à la terrasse d’un café rue du Temple, je ne sais plus de
quoi nous parlons, ce que je sais c'est que d'un coup, je lui demande ce qu’il
pense de l’autofiction. Je ne sais pas ce qui me prend. Il répond que le plus
important quand on veut écrire, c’est d’écrire. J’insiste :
— Oui, d’accord, bien sûr,
mais toi, tu n’as jamais eu envie de dire « je » dans tes créations, je veux
dire vraiment « je », employer, déployer la première personne ?
— Je ne trouve pas que mon
cas soit si intéressant.
— Mais tout est
intéressant, non ? Tout peut faire sens et art ! C'est quand même pas toi qui
vas dire le contraire...
Il fait la moue, je vois
qu’il n’a pas envie d’entrer dans ce débat, en tout cas pas avec moi, pas
maintenant. J'ai l'impression qu'au fond il est plutôt d'accord mais qu'il n'a
pas envie d'être d'accord, pas sur ce terrain, pas ce jour-là. Je me tais. Un
ange passe, comme on dit, puis un couple. Ils sont jeunes et jolis, il lui
tient la taille, elle porte une jupette à volants avec des Converse aux pieds.
Ils rient, ils tanguent, on se croirait chez Pina Bausch. Je vois que son
regard est accroché, émerveillé :
— Tu les vois, eux, leur
désir, leur vitesse ? Mon métier c’est un peu de décrire ce qu’ils sont. »
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