Salut Gwen !
Je suis toujours à Mexico,
mais, comme je m'y emmerde (grosse, grosse ville d'une foule immense qu'on peut
adorer à l'infini, c'est sûr, mais c'est au-delà de mes capacités), je repars
(et probablement sans Internet). J'ai trouvé un avion pas cher qui m'amène
demain, en une heure et demie, à Palenque (je te conseille de regarder les
photos sur Google). C'est au Chiapas, une ville maya en pleine forêt vierge.
C'est dingue, non ?
Bon, pour Lyon, je manque
un peu d'interlocuteurs, mais c'est comme ça. (J'adorerai travailler en équipe
— une équipe, ça commence à deux.) J'avais surtout peur de ce rythme, de devoir
me débarrasser d'un spectacle réussi pour en faire un autre immédiatement
après. Je me souviens que, quand on a fait Chic by Accident, à la Ménagerie, qui a été très, très réussi, on a
joué cinq fois comme c'était prévu, mais, ensuite, eh bien, on voulait plus
s'arrêter de le jouer, on n'a pas compris pourquoi on devait s'arrêter (en
plus, c'était plein tous les soirs). J'avais peur que ce gâchis se reproduise à
Lyon. Mais, maintenant, je me suis un peu calmé parce que je vois ce projet
comme un seul et long spectacle présenté sur du temps et qui, donc, évolue
(mais ce serait le même spectacle), une sorte de work in progress. Ce serait
toujours « l'homme en repos dans une chambre », selon la citation de
Pascal, tu sais, dans le texte sur le divertissement *. Je ne sais pas si cette
idée est très juste, mais elle fait rêver. Un spectacle de dix, douze heures,
présenté sur quatre mois. Sinon, les titres, je ne sais pas s'il faut donner
des titres aux épisodes — je crois avoir renoncé aux titres des œuvres qui
inspirent les épisodes (bien qu'entre nous, on va en parler comme ça, La
Cerisaie, Carmen...) — pour pencher plutôt vers les titres poétiques —
il y en a de si beaux, par exemple, que je viens de trouver ce matin (il n'est
pas de moi) (et c'est en rapport avec mon prochain voyage dans la jungle) : Vers
la nuit chaude — et peut-être même ne
faire que numéroter les épisodes. J'y ai pensé parce qu'un interprète m'a dit :
« Moi, je peux faire le N°5 et le N°7 » Evidemment, N°5, tu imagines,
ça a fait tilt, Marilyn Monroe et tout et tout. Ou mélanger tout ça. Je ne
pourrai pas faire tout ce que je souhaite, mais, ça, je m'y attendais (à moins
peut-être de rajouter des spectacles dans le hall). Beaucoup de réponses
d'interprètes, mais beaucoup aussi qui n'ont pas encore répondu après la
dernière note d'intention que tu as eue, je crois, alors qu'ils avaient
précédemment donné leur accord (leur envie) de principe. Que faire ? Attendre
encore ou décider de ne faire qu'avec ceux qui sont déjà (apparemment) dans le
coup. C'est cet infini des complications de planning et de mails que je
craignais. Moi, je voudrais ne faire qu'un seul mail et que tout le monde
vienne me manger dans la main, ça me paraîtrait totalement logique, mais c'est
pas si simple, la réalité — et c'est que l'artiste est incertain. Et que je ne
peux pas exiger la liberté des gens (sinon rien) et leur demander, par
ailleurs, d'être carré. Il y a certes une contradiction. Il me faudrait un père
fouettard (producteur, par exemple) et, moi, je resterais dans mes limbes et ma
poésie protégée... peu importe…
Mais je dois te dire que je
suis heureux d'être au Mexique pour rêver Lyon. Ça, ça marche ! (ce que
j'espérais...)
Est-ce que je pourrais
m'installer dans le lieu que tu m'as fait visiter dans le Vieux Lyon déjà en
juillet ? j'arriverais vers le 6 ou 7, sans doute en étant passer chez mes
parents (à Bourg-en-Bresse) pour prendre un matelas...
Amitié,
Yves-No
* « J’ai dit souvent que tout le
malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer
en repos dans une chambre. »
Labels: Lyon correspondance
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