Monday, August 10, 2015

L 'Ane


Bonjour Daniel !
En quelques jours d’intervalle, j’ai entendu deux personnes me décrire précisément et d’une manière très laudative deux spectacles de toi que je n’ai pas vus et je me dis, ce matin — de les voir inscrits si précisément dans ma mémoire —, que c’est peut-être comme ça que je vais enfin venir vers ton travail : parce qu’on me l’aura raconté. (Ça fait longtemps que je pense que voir des spectacles n’est pas forcément plus fort que de se les faire raconter.) L’autre soir, dernière du Misanthrope aux Bouffes, une fête, je passe devant (puisque j’habite là) et un acteur revêtu d’un bout de costume de Christian Lacroix m’apostrophe : « Enfin, je te rencontre ! » parce qu’il prétend avoir joué dans une pièce un personnage inspiré du mien. Comme il est bourré, je lui demande toute les précisions, je joue l’incrédule (et voilà comment il me raconte le spectacle). J’ai aussi lu la critique de Jean-Pierre Thibaudat depuis. Ça m’amuse beaucoup (et me flatte), ce René-Paul Molle…
Un peu plus tard, à Lyon (à moins que ce soit un peu avant, je mélange peut-être) Marie-Claire Mitout qui me montre ses gouaches sublimes de la série « les plus belles heures » me parle de ton spectacle avec Thibault Lac, qu’elle a adoré. Comme elle raconte très, très bien, je lui demande tous les détails.
A propos, comment as-tu trouvé l’âne ? Si je pouvais ne mettre sur un plateau que des animaux ou des plantes (si un pépiniériste pouvait me prêter un bel arbre pour quelques représentations), c’est-à-dire : que la beauté qui est déjà là, que la vraie beauté, pas les histoires humaines… 
Je suis à Lyon de tout à l’heure au 31 décembre, au théâtre du Point du jour où, comme un imbécile, j’ai annoncé huit spectacles, un tous les quinze jours en espérant même qu’ils n’en formeraient qu’un seul, au final, en épisodes, mais, je le crains, ça va être trop dur pour mon intelligence si peu artificielle (et si paresseuse)…
Je t’embrasse, très cher, 
Yvno



Bonjour Yves-Noël, 
C’est drôle j’avais rêvé de toi juste avant que tu ne m’envoies ton message. Peut-être parce que j’étais dans la Sarthe à quelques kilomètres du Minerai à ce moment-là. 
Oui nous avons monté avec Marie-Christine cette pièce, Trafic, où tu apparais dans un récit. L’auteur et toi vous êtes croisés il y a quelques années je crois. 
Et c'est Pascal Rénéric que tu as rencontré devant les Bouffes... un type adorable, et génial comédien. 
Thibaudat a raison, jamais je n’aurais cru, il y a dix ans, faire un jour un spectacle comme celui-là.
J’aime bien moi aussi le récit des spectacles sans les voir. Certains que je n’ai pas vu font partie de ceux qui comptent le plus pour moi. 
L’autre spectacle, avec Thibault, est peut-être ce que j’ai fait de mieux, le plus personnel, le plus beau. Le plus étrange. 
Thibault a été absolument éblouissant, et gentil sans compter. Sans limite. Il y avait aussi un vieux monsieur, que j’aimais bien, qui est mort depuis. 
Et l’âne. 
C’est la direction technique des Subsistances qui me l’a trouvé, chez un éleveur de la région qui loue ses ânes… celui-ci était très doux. 
Le problème avec les ânes, c’est qu’il faut en prendre deux, même si tu n’as besoin que d’un seul. Ils ne supportent pas de passer la journée seuls, et ils se mettent à braire, ce qui est, c’est vrai, assez insupportable, surtout en pleine ville.
Dans le spectacle on le voyait à peine, il restait à la lisière de la pénombre. Mais on l’entendait, marcher dans les cailloux, mâcher du foin.
Je peux te retrouver les coordonnées de son maître. 
Moi je suis en vacances en ce moment, et je suis content de ne rien faire.
Je t’embrasse,  

Daniel

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