Une pièce que j’ai trouvée extraordinaire hier soir au théâtre Antoine mise en scène par Michel Fau qui gentiment m’avait mis deux places (ce qui fait que je vous conseille qqch dont je ne connais pas le prix). C’est une pièce d’André Roussin, de 1963. C’est absolument bien représenté, on entend chaque chose, chaque mot est à sa place, il n’y a aucune faiblesse, mécanique du plaisir, réussite qui vient d’abord, une fois encore, de l’art du casting que réussit si bien Michel Fau (il est le metteur en scène, parmi ceux que je connais, qui aime le mieux les comédiens). Il propose à des personnes, des personnes qu’il connaît, je ne sais pas comment, d’être absolument juste en scène. Il joue lui-même dans la pièce, ça doit aider aussi. Il a un secret, je l’ai vu un peu hier (en partie). Je crois qu’il ne croit pas à ce qu’il dit, ce qui, finalement, est assez proche de la vie. Dans la vie, réfléchissez, on ne croit pas non plus à ce qu’on dit. Dans la vie. Cela lui donne une profondeur, un porte-à-faux remarquable, ça ouvre sur une résonance qui est vraie. (C’est mal dit comme toujours quand on parle du théâtre.) J’étais avec Manuel Vallade (subliment beau, je dois dire), lui aussi a beaucoup aimé. La pièce est très intelligente, très belle, elle est durassienne (figurez-vous), elle s’appelle Un amour qui ne finit pas. J’ai écrit qqch sur la droite pendant la pièce, je retrouve mes notes… ah, oui… bien sûr, c’est « vieux théâtre », bien sûr, c’est de droite, mais c’est excellent, et, de toute manière, la gauche, en ce moment, elle a pas trop à la ramener, hein ? Le pauvre Delanoë nous a légué le caca d’oie des Halles, on peut préférer l’éternité du Centre Georges Pompidou. Un quart d’heure après le début de la pièce, un personnage dit à l’autre : « Songez qu’il y a un quart d’heure, vous étiez pour moi un inconnu ». Le temps est redit plusieurs fois au cours de la pièce. Par exemple, un autre personnage dit à un moment : « Je suis entré dans cette pièce depuis seulement dix minutes… » Une autre mise en abîme : « …je trouve que ça ferait vieux théâtre… — Ah, le théâtre n’a rien à voir là-dedans ! » Françoise Sagan qui était très contre la décentralisation pensait que le théâtre, ça devait être ça, une chose poussiéreuse, des marionnettes, maison de poupée, que c’était ça, son charme inaliénable, une mécanique bien huilée, un miroir de la bourgeoisie. Oui, et quand c’est Michel Fau qui ordonne ça, il faut en profiter ! De toute façon, maintenant, nous le savons : rien n’est pire que la gauche. Une bouffée d’oxygène dans la Hollandie. Encore une citation : « Il faut croire que c’est la solution… — De rire ? — Oui ». Vrai théâtre secret, vif, cosuet (désuet et cosy), anti-gauche et parisien !
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