R ire avec les clowns, Blanche Gardin et l'honneur
Ce qu’on ne supporte pas chez les gens qui « luttent », c’est leur névrose, leur discours. S’ils luttaient sans nous faire chier — et, bien sûr, il y a des gens qui luttent (vraiment) (beauté de la lutte), mais ils n’occupent pas les pages des journaux, les réseaux sociaux, les télés, ils n’occupent pas tout ce qu’on appelle le « politiquement correct » ou, d’un mot plus ancien, la « bienséance » — car, le faire, c’est juste une névrose et une folie. « O pensée aboutissant à la folie ! », écrit Verlaine. Les intellectuels ont énormément cette névrose qu’on peut appeler aussi « ne pas avoir honte de sa connerie ». J’ai écouté la semaine dernière « Radioscopie » de Marguerite Duras (par Jacques Chancel), période Mao, je vous assure que j’ai failli ne pas aller jusqu’au bout (jusqu’à ce que j’en rigole). Son pire interview. En fait, je n’ai pas d’exemple d’un intellectuel qui, faisant la leçon aux autres, n’ait pas tout faux. Proust, le plus grand, n’a jamais fait la leçon aux autres, il l’a fait une fois, pour l’affaire Dreyfus, et, là, il ne s’est pas trompé. Comme j’étais un peu célèbre la saison dernière, on a voulu me faire signer une pétition pour appeler à élire Mélenchon : c’était mal me connaître (je le hais). Je ne savais pas comment m’en sortir, j’ai argumenté le plus poliment possible, l’autre femme (d’une intelligence sublime aussi) insistait. A bout d’arguments, elle a fini par lâcher : « Mais tu vois bien qu’Annie Ernaux a signé, si Annie Ernaux a signé, c’est que c’est bien ! » Annie Ernaux est effectivement un génie, ses livres sont sublimes, mais, politiquement, c’est une buse, juste bonne à relayer la propagande. Comme Marguerite Duras dans sa période Mao, « Mais les Chinois ne sont pas heureux… — Non, vous avez raison, les Chinois ne sont pas heureux, mais ILS LE SERONT. » Heureusement Marguerite Duras sentait les époques changer, et, déjà alors, elles changeaient vite. Quand je l’ai connue, elle était, par exemple, très antiféministe (parce que ça fait un moment que c’est con, le féminisme). Blanche Gardin sauve un honneur, celui de tous ceux qui supportent très mal qu’on leur fasse la leçon de morale et qui rient.
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