R espirer
C’est très difficile pour moi d’essayer de te convaincre de l’intérêt de ce que je fais — d’abord parce que ce n’est pas la peine, de mon travail tu es le plus fervent thuriféraire — mais, plus profondément, parce que j’ai besoin de ne pas convaincre, c’est idiot de convaincre, comme disait Giacometti à Genet qui trouvait une statuette par terre dans les copeaux : « Si elle vaut quelque chose, elle remontera bien toute seule » (je cite de mémoire, je ne garde pas les livres). Mon travail n’a d’intérêt que s’il a la légèreté d’un papillon, que s’il vient de l’autre, pas d’écrasement, pas « convaincre ». J’ai vécu des périodes où j’ai été très à la mode, c’est aussi dégoûtant que les périodes d’ostracisme. En ce moment, il y a dans l’air du temps l’art « engagé ». Moi, je suis engagé à ne pas convaincre. C’est très important pour notre époque parce que c’est à contre-courant. Ponge rapporte une citation de Picasso qui me plaît bien : « Nous voulons montrer notre travail, et non faire des œuvres ». Ce dont j’ai besoin, malgré tout, c’est de travailler comme respirer. Je l’avoue, ma faiblesse : je respire mieux en travaillant. Fais au mieux, fais le maximum pour moi. Pardon pour les références (Giacometti, Genet, Ponge, Picasso) bien officielles.
T’embrasse,
Yves-Noël
Labels: correspondance
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