Monday, March 25, 2019

Samira Elagoz, c’était hier, je suis parti au bout de deux minutes. « Il y a un an mon petit copain m’a violé », était son incipit et ce n’était pas sur le mode humoristique, mais c’était peut-être une fausse piste, je n’ai pas pu le savoir puisque je me suis tiré dans le beau crépuscule du parc sous la pleine lune.
Merci pour Meg Stuart, on t’a dit que ça valait le coup, c’est vrai ? Il y a longtemps que je n’en ai vu, des spectacles de Meg, je me demande toujours si je vais tomber sur un bon ou un moins bon (le dernier que j’ai vu, j’aurais pu m’en passer, mais c’était il y a déjà longtemps).
Isabelle Barbéris, c’est une universitaire merveilleuse, très intelligente, qui m’a beaucoup soutenu, qui a même voulu faire un livre sur moi à un moment. Il paraît qu’elle parle de moi dans son livre, d’ailleurs, que je n’ai pas encore lu. Elle me dit en tout cas que je suis exactement le contraire de ce qu’elle dénonce en ce moment.  Et c’est ce que je ressens, que mes spectacles sont à l’opposé de ce qui est présenté en ce moment (comme idéologie). C’est peut-être la raison qui fait que je n’ai plus de travail, après tout... Je ne fais pas de spectacle engagé, je n’y crois pas. Je ne vois pas ton spectacle (celui que j’ai vu et adoré, inoubliable) comme un spectacle engagé. Bien au contraire. Il est absolument ouvert. (Mais ça ne me dérangerait pas que tu le vois, toi, comme un spectacle engagé.)
On la voit là, Isabelle (échange avec Isabelle Barbéris à propos de 1er Avril aux Bouffes du Nord)
Il faudra donc que tu me montres les passages qui te révoltent dans ce qu’elle dit, ça m’intéresse parce qu’en effet, comme je te dis, nous sommes très proches et je ne les vois pas. Tu es sûre du mot « vomir » ? Je ne te crois pas. Je ne crois pas qu’il y ait quelque chose qu’on lit qui puisse faire vomir. Ce sont les fascistes qui utilisaient ce langage outrancier. Ça ne te ressemble pas. Les Suissesses parlent comme ça ? Non… Peut-être que tu avais mangé quelque chose de pas bon et que les secousses du métro te donnaient la nausée. Ça me semble plus vraisemblable.
Je ne crois pas au combat politique. Rien n’a changé par la révolution française, rien n’a changé par la révolution russe, rien n’a changé par la révolution maoïste, ni par celle de Cuba, ce sont des évidences, non ? Ces révolutions ont juste servi à emmerder les gens à un point inimaginable — inimaginable —, créer malheur sur malheur pendant des générations et tuer des millions de personnes… Et je ne crois pas à « l’idée ». Sauf l’invention de Dieu, ça j’y crois. C’est quand même une belle idée, ça. (C’est une invention.) Le féminisme, pour moi, ressort de la même erreur et du même emmerdement (« croire en la solution politique du problème personnel », disait Duras). Croire que l’on peut changer le monde est une pensée tragique pour moi (et pour le philosophe Clément Rosset dont j’ai joué un texte dans le spectacle 1er Avril). C’est totalement faux. Le monde change parce qu’il n’est que changement, par définition. 
Mais je veux bien que tu m’inities au féminisme parce que je te fais confiance et parce que ça m’intéresse de penser autrement si c’est toi qui m’en montre la vertu.
Je lis Donna Haraway, c’est très bien ce qu’elle dit sur les chiens, mais il y a des passages qui m’apparaissent incompréhensibles où elle a l’air de s’excuser (et ça dure…) d’être une féministe qui s’intéresse aux chiens, comme quoi ce serait lié, etc. J’ai juste envie de lui dire : Non, tu peux t’intéresser aux chiens sans avoir à te tortiller, moi, ça m’intéresse, les chiens, et le rapport que tu as avec ton chien et les chiens et les êtres humains entre eux (pas les femmes avec les chiens !), laisse tomber le féminisme, pour un chien, tu appartiens à l’espèce humaine, et d’ailleurs c’est ce que tu dis, mais ça ne me pose pas de problème que tu sois aussi une femme, au contraire ça me plaît, donc où est le problème, je ne vois pas... 
Quelle chance d’aller à Londres ! 
T’embrasse, 
Yvno

Merci de me faire relire Paul B. Préciado que j’aime beaucoup (il y a un texte d’elle-lui dans Rester vivant, le Baudelaire). Evidemment beaucoup de ses phrases sont fausses et risibles (je peux facilement te montrer nombre desquelles), mais peu importe, elle-lui est toujours présent-e dans ce qu’elle-lui écrit, et il y bien sûr aussi des phrases très justes comme « Il n’y a pas de sexualité sans ombres ». Je t’ai fait remarquer l’autre soir que c’est le seul texte depuis le 5 octobre 2017 (j’ai tout lu dans «  Libé » et dans «  Le Monde » qui fait allusion au matriarcat : « Seules les mères sont souveraines ». Pour moi, c’est un couple (mais personne n’en parle), un partage des pouvoirs : patriarcat-matriarcat. Je t’ai dit tout ça. Et pour le reste, la guerre des sexes, c’est vieux comme le monde (Lacan disait : « l’impasse sexuelle ») et ce que nous vivons en ce moment n’en est qu’un épisode (et si c’est une révolution, ce sera un épisode qui fera beaucoup de dégât, beaucoup de souffrance, mais qui restera un épisode — et qui ne changera rien, comme toute révolution (je rappelle que ce mot veut dire dans sa première acception revenir à son point de départ).

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