Thursday, April 30, 2020

B urlesques le sont


Tu y comprends quelque chose à tout ça ?
Vous avez sans doute plus de chance en Allemagne (ou dans le Nord si tu y travailles encore). Moi, mon spectacle de juillet en Suisse vient d’être annulé… 
Je te donne deux choses qui m’ont frappées, un entretien dans un journal suisse et, en pièce jointe, un bulletin (qu’un ami m’envoie régulièrement) un peu plus visionnaire que les journaux où il faut tellement trier parmi des monceaux d’infos absurdes (sauf « Charlie Hebdo »  et «  Le Canard » qui traitent de l’absurdité-même).
T’embrasse, 
Yvno

Tout essai de pensée anticipatrice est impossible actuellement. Attendre. Dans trois mois on pourra commencer à délirer sur l'avenir. Lire Freud fait du bien. Pensée lente et posée. Retenue. Calme. Mais exigeante. Cela calme !
En espérant que tu ailles bien.
Je t’embrasse.
Laurent

Ah oui, Freud, l'« auteur comique », selon Nabokov (« Les explications qu’il fournit des émotions de ses patients et de leurs rêves sont d’un burlesque incroyable »), qui conseille d’ailleurs de le lire dans l’original, ce que tu fais certainement. Tu as raison, profitons de cette impossibilité de la pensée anticipatrice (c’est très bien dit). Je regretterai certainement déjà ce temps qui passe à la vitesse de la Terre…
T’embrasse, très cher,
Yvno

Burlesques le sont les rêves et les émotions d'abord.
Après, l’interprétation, ce n’est qu‘un délire de plus.

Ici, dans la maison où je suis (à Nantes) et parmi la tempête, je feuillette (suis-je capable de plus, j’ai vraiment des doutes...) Die Traumdeutung et, évidemment, pris au hasard, c’est vraiment très drôle : « Les sujets qui rêvent souvent de natation, qui plongent dans les vagues avec joie, etc., sont ordinairement de ceux qui ont mouillé leur lit ; ils répètent dans le rêve un plaisir auquel ils ont dû renoncer depuis longtemps. » Ce qui est troublant, c’est que cette terreur actuelle de l’enfermement (que je ressens très fort ces jours-ci), la littérature la décrit très bien depuis longtemps, la littérature du passé — nous étions donc enfermé avant ? — et pas seulement la littérature du passé du futur (la science-fiction)...
La coiffeuse avec qui je partage ma couche, elle, ne rêve jamais ; comme ça, c’est réglé ! 
Ou encore (c’est elle qui trouve la phrase) : «  Le Dr Paul Federn (de Vienne) fait l’hypothèse pénétrante [c’est le cas de le dire] qu’une bonne part des rêves de vol sont des rêves d’érection, parce que le phénomène remarquable de l’érection, qui n’a cessé de préoccuper l’imagination humaine [certes], doit lui apparaître comme la suppression de la pesanteur (cf. les phallus ailés des Anciens). » Du coup, la coiffeuse va lire ce passage à son fils qui fait du base-jump (il saute des tours) et qui a aussi de très gros besoins sexuels. Oui, il a sûrement raison le Dr Federn !
T’embrasse, 
Yvno

On rêve toujours. Ta coiffeuse ne se souvient seulement pas de ses rêves. Ce qui est différent que d'affirmer que l'on ne rêve pas. 
Oui. La littérature a toujours parlé de confinement car elle a toujours cherché à dépasser un Interdit, un impossible, une butée. Bref, une instance au dessus du sujet qui le rendait désirant. Le virus remplit ce rôle en quelque sorte. Il impose une limite à nos jouissances capitaliste et nous fait ressentir l'humain dans sa finitude. Et nous reconnecte aux grandes époques du passé qui avaient encore des limites. Des limites, il y en a toujours, mais l'homme contemporain aime à penser qu'elles ont été abolies. La science d’ailleurs nous entraîne dangereusement sur cette pente. Elle est croyance mais s'affirme comme non croyance ! Et le capitalisme l’adore. 
Je t’embrasse,
Laurent 

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