L ’Effet de surprise
La création de mes spectacles reposent (presque) toujours sur l’effet de surprise, c’est-à-dire sur « l’état de l’apparition » cher à Marguerite Duras (« Je vous ai dit aussi qu’il fallait écrire sans correction, pas forcément vite, à toute allure, non, mais selon soi et selon le moment qu’on traverse, soi, à ce moment-là, jeter l’écriture au dehors, la maltraiter presque, oui, la maltraiter, ne rien enlever de sa masse inutile, rien, la laisser entière avec le reste, ne rien assagir, ni vitesse ni lenteur, laisser tout dans l’état de l’apparition. », Emily L.) ou à Martin Margiela (dans un documentaire, il parle du moment où il s’est retiré du monde de la mode : « Pour moi, ça a commencé quand on a dû lancer les collections sur Internet le même jour que le défilé. J’aime l’énergie provoquée par la surprise. Cette énergie-là avait disparu. Tout était immédiatement balancé sur Internet. Je me suis senti un peu perdu. J’étais de plus en plus triste. J’ai senti que c’était le début d’une ère où les besoins du monde et de la mode étaient différents et je n’étais pas sûr de pouvoir y répondre. ») Dès mon premier spectacle, un stand-up : six invités. J’aime partager même si c’est moi qui tient le crachoir. J’aime fournir au spectateur beaucoup plus que ce à quoi il s’attend, des cadeaux, du champagne, etc., des artistes beaucoup plus talentueux que moi desquels j’espère qu’ils me volent le spectacle ou du moins les saluts. Je construis mes spectacles souvent comme des espèces de dépense, de potlatch (d’échanges de dons). Ils reposent dès que je le peux sur la gratuité. Ma devise a été longtemps : « Le rien, mais avec splendeur ». Ce sont des gestes. Bien entendu, le monde a tourné et, comme le fait remarquer Martin Margiela, l’énergie de la surprise a quasiment disparu, tout se présente comme prévu, réglé, même si ça ne l’est pas, d’apparence contrôlé (et sécurisé). C’est-à-dire que plus rien ne peut arriver — et, bien entendu, c’est de la mort dont on a peur. Mais, dans tout système, même inconsciemment fabriqué, il y a des failles. Les fameuses failles ! Et c’est dans ces interstices — et peut-être même toujours —, que nous (moi et beaucoup d’autres finalement — et peut-être même un peu tout le monde) existons et « créons ». Il faut être très précautionneux avec ce vocable (on ne « crée » rien), mais, ce qui le sauve, c’est que ce qu’on appelle « création » se fait sans le vouloir, en liberté, en jachère, sans beaucoup de conscience — ou bien alors (mais c'est pire) avec l’extrême conscience du génie et de la folie. De cela, Dieu me garde !
YNG
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