Tuesday, November 02, 2021


J’ai besoin de soutien. Bien sûr, je me suis appelé « Le Dispariteur » et, à un moment donné, il va bien falloir y passer. Les formes doivent disparaître (c’était le sens de la formule) et je me sens en pleine forme, je veux dire professionnellement capable de réinventer un théâtre phœnix, être artisan de ça : passer à travers les flammes.


Je ne peux faire des spectacles que sous le biais du hasard. Pourquoi déciderai-je de « créer » de la beauté ? Mais je peux m’éveiller à la beauté de hasard, celle qui est déjà là (à profusion), qui se rencontre, qui saute aux yeux, quelques flux de résonance, quelques croisements, quelques luxes à mettre ensemble. Une réalité faite de relations plutôt que d'objets. Ce n’est pas facile, notre époque. Un climat alourdi comme une vieille époque. Rien d’humain ne veut être ensemble

On devient si savant, mais dans le désordre

On est seul et jamais moins seul aussi

Hors tous mes spectacles disent : IL N'Y A PAS DE LIMITE A LA LIBERTE


J’ai des projets personnel (soli). Qui m’aime me suive sera présenté à Neuchâtel en janvier prochain. Une sorte de « Pour en finir avec Marguerite Duras » (comme j’avais fait Pour en finir avec Claude Régy) qui s’intitulerait Durassic Park et que j’imagine bien créer à Avignon (mais je n’ai malheureusement plus accès à la salle qui avait fait mon succès, la Condition des soies, rachetée). Je voudrais reprendre encore et toujours Rester vivant, La Recherche, Phèdre, ma trilogie « grand textes » (Baudelaire, Proust, Racine). Mais j’aime plus que tout réaliser des pièces de groupe, à partir d’un lieu (poème du lieu) et d’une commande. La plupart du temps, de carte blanche : « Fais un spectacle ». Mais souvent aussi assorties de demandes particulières ; par exemple, Marie-Thérèse Allier voulant : « Jeanne Balibar et du monde », Laurent Goumarre me demandant l’enfant avec lequel je travaillais à l’époque, Marcus Vigneron-Coudray ou Hubert Colas souhaitant les complices Thomas Scimeca et Jonathan Capdevielle. J’ai toujours pris ces envies avec grand intérêt par nécessité que le commanditaire désire le spectacle. 


Je fabrique des spectacles qui fonctionnent comme des diaphragmes (optique). Chacun de mes spectacles, « tissus d’espaces blancs, d’interstices à remplir » (comme Umberto Eco définit le texte dans Lector in fabula) laisse aux spectateurs l'initiative interprétative. Laisser entrer plus ou moins de lumière dans le puit noir de l’arrière-conscience. La perception du spectateur est au centre du dispositif ; il s’agit, à chaque fois, de trouver la meilleure solution pour « éveiller » le spectateur à sa propre « participation ». Chaque spectacle n’est que la mise au net de cet endroit d’activation. L’endroit de la perception est le lieu véritable du spectacle comme l’étymologie du mot « théâtre » l’indique, comme aussi dans le rêve où chaque individu est auteur, acteur, spectateur et théâtre (ces instances ne sont détachées au théâtre que pour se rejoindre et retrouver, par delà ce merveilleux appel nocturne de la boîte noire, l’unité du rêve). Dans tous les cas, pour chaque projet, il s’agira d’élaborer une stratégie pour aider le récepteur à rejoindre le lieu unique. C’est le seul enjeu. Il s’agit de ne pas seulement espérer ce spectateur-créateur, mais bien de l’inventer — on peut l’inventer puisqu’il existe.


Bien à vous, 


Yves-Noël Genod




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