Rien ne me manque dans la vie, mais je peux donner mes trucs. Je connais, en ce moment, deux librairies, l’une à Jourdain, l’autre à Saint-Paul où j’entre et où j’achète ce dont je n’aurais jamais l’idée auparavant. Je n’achète plus de fringues, Dieu soit loué ! (c’est devenu trop cher) (et d’ailleurs je voudrais être habillé comme Lucky Love, je l’ai rencontré l’autre soir dans une rue montante de Pigalle, mon Dieu qu’il était beau ! il attendait son taxi, j’ai pu m’approcher très près de lui avant de lui parler (il était sur son tél), il m’a dit : « Je vais à une soirée », il portait le plus beau smoking à sequins que je n’ai jamais vu, d'un noir plus lumineux que celui de Barbara, c’était Paris au cube, Marlène Dietrich, Liza Minelli et cette manche manquante, vide, flottante, tissus en trop…), mais j’ai reporté mon addiction sur les livres. Peut-être, bientôt, je ne pourrais plus, je me mettrai peut-être à en voler, mais j’en ai un stock maintenant tellement important que sans doute (comme les vêtements) j’en ai bien assez pour le restant de mes jours. J’achète des livres que l’on ne peut lire que s’il ne manque rien. Hölderlin par exemple, traduit par Gustave Roux, c’est inespéré de tomber là-dessus. On ne l’attendait pas, on ne l’espérait pas, rien ne manquait, vous ne voyez pas ? Alors on lit Hölderlin parce que rien ne manque… Ça ne peut se lire que comme ça. Dans la certitude de la chance (personnelle). La certitude qu’il manque tout à la société et rien à soi. Gustave Roux, c'est ce poète vaudois homosexuel dont je parlais dans ma conférence sur la poésie suisse que j'avais donnée chez les particuliers qui la voulaient
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