Friday, September 13, 2024

A ll the time


J’apporte le même éclair au café acheté à Sizun puisqu’il avait paru plaire la première fois, mais on me fait remarquer que ma tante Hélène est maintenant « sous le régime mixé ». Tout est mixé, depuis qu’elle a fait, une fois, une fausse route. Je suis bien embêtée. Je demande si je peux lui donner au moins la crème, oui, la crème, ça va bien. Je demande une petite cuillère et je nourris ma tante à la cuillère comme je le ferais d’un enfant, d’un animal, d’une vieille dame. Manger est une chose si ancienne. Plus tard, une aide-soignante plus « humaine » — une exception dans cette maison de retraite alors que, dans d’autres maisons de retraite — comme celle de ma mère —, c’est l’inverse qui est l'exception — me dit (mais à voix basse) : « Oh, elle pourrait et elle a bien du plaisir aussi à mastiquer, mais, bon, par sécurité… » Bien entendu, personne ne veut être responsable d’une fausse route peut-être mortelle (ni moi, bien entendu). Voilà pourquoi tout est faux, on veut les protéger, les rattraper de la mort, les mourants, mais c’est surtout qu’on ne veut pas d’emmerdes, tout le monde se défausse. Encore une fois, j’ai connu la situation inverse : beaucoup plus d’art de vivre, d’enthousiasme, moins de « sécurité ». Je suis désolée de vous parler encore de ça, mais je ne trouve rien à la hauteur, à dire, dans ma vie, que l'approche de ces gens que j’ai la chance de connaître qui sont au bord de mourir et je me languis d’eux. Je m’ennuie, en vérité, dans ma vie solitaire. Soudain, avec eux, leur humilité magnifique de perdants, je m’éclaire : C’est ça, la vraie vie, ce n’est pas ce capitalisme triomphant permanent, cette pub permanente, cette fausse complexité de « la vie » qui est, en vérité, une forme d’une indigente simplicité, dont on fait croire qu’il s’agit de tout. Je le dis mal, je ne sais pas ce que je dis, mais Tilda Swinton, ici-même, sur IG, le dit et le prononce mieux en anglais : « That is really deep in our culture (actually our Western Culture, I would suggest), the idea that it’s a terrible tragedy for someone to die — as if it’s bad luck — or bad management — and maybe the mark of someone who hasn’t quite got the stuff. It’s so unfair, it’s really so disrespectful — and also delusional because we’re all dying, all the time. » J’entends des mouettes à Paris. Nostalgie, 


déjà. 

Mais je les connais. 


Et la fenêtre, encore à Paris, est grande ouverte...


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1 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Hier je vous ai découverte et je vous ai trouvé si drôle et juste, bouleversante, dans ce spectacle de Gwenaël Morin ! J’étais captivée par vos paroles et votre façon de dire, j’entendais le texte, merci beaucoup.

8:25 PM  

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