J e dois cirer les culs ternes
DI aurait voulu revoir à la cinémathèque REFLETS DANS UN ŒIL D’OR, à 20h, de John Huston, avec Marlon Brando et Elizabeth Taylor, DI m'assurait que Brando y était d’une beauté confondante, renversante. Ou peut-être même, avec un peu plus de courage, dans une plus petite salle, LA LEGENDE DE LA FORTERESSE DE SOURAM, de Sergueï Paradjanov (à 19h30), elle ne l'avait jamais vu... Mais, sans le décider, toutes les deux, on était restées dans la maison qui progressivement s’éteignait, s’éteignait, s’éteignait… On avait fait un peu de photo, au début, on avait essayé de capter un peu de cette lumière comme douloureuse, de cendre et de suie, d'oiseau brisé. L’infini d’une conscience d'une soirée d’hiver pluvieuse, d’une soirée de rien. On avait regardé sur son ordi des propositions de villégiatures de rêve, une maison au-dessus de Propriano construite dans les ruines d'une autre (les ruines avaient été gardées). Une autre dans une chapelle romane « et son hameau », près de Auch, je crois. On se rencontrait au milieu des espaces de la nuit et de la parole. On buvait un vin de Jean-René intitulé : « A nos amours », un blanc mousseux. Plus tard, on avait trouvé des choses à manger, des réfrigérateurs avec des choses dedans, des celliers, des souris, des chats, des parties non chauffées. Une « boîte de sardines admirable ». Puis, comme je n’avais pas apporté mon pyjama et ma brosse à dents, j’avais dû repartir vers le Nord, pas si tard, en fait. DI se couchait tôt. DI m’avait appelé un taxi, les barrages du centre-ville avaient été levés, ça roulait bien. Les cérémonies avaient surtout vu le sacre de Jean-Charles de Castelbajac, on en parlait pas mal. Il y avait l’extériorité de la ville, mais la ville, en fait, était un pli de discrétion. Tout ce qui s’y passait, au fond, restait caché, par nature-même, beaucoup plus qu'à la campagne où l'on avance à découvert (depuis les déboisements des forêts et des haies). Ainsi la raison des manifestations publiques de la ville renforçait son mystère, on pouvait le voir comme ça. Voyez mon apparence, mes foules, mes engouements... non, tout est paradoxalement une question de caches et de manigances, d’ombre et d’écho, entremêlements de l'enfance et des morts, de palais dérobés, de portes ouvertes et fermées, de ciels hautains, fragiles. DI m’avait fait toucher ses mains. La main droite était froide et la main gauche était chaude. Je lui avais dit : « Peut-être que tu es déjà à moitié morte ». La phrase ne l’avait pas spécialement effrayée car je l’avait dite comme une citation : « …comme les arbres… », ajoutais-je. Les arbres ne sont vivants que sur leur dernier tour de taille, leur pellicule, c’est là que circule la sève, tout le reste, l’intérieur accumulé à l'infini des années, c’est du bois mort. Moi non plus, je ne le savais pas, je l’avais appris du spécialistes des arbres Francis Hallé. Il y avait de la musique classique qui diffusait, sans que l’on sache d’où ça venait vraiment, comme une senteur, un air à respirer, l’oreille presque inconsciente d’une éternelle salle d’attente. A l'arrivée chez moi, j'avais ouvert un livre, l'un des moisis, mes préférés (ceux du dégât des eaux). C'était Gérard de Nerval qui s'adressait à moi : « N'avais-je pas été frappé de l'histoire de ce chevalier qui combattit toute une nuit dans une forêt contre un inconnu qui était lui-même ? » Oui
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